Lors du dernier conseil des ministres, le Gouvernement, par la voix de son porte-parole, a bien voulu apporter une réponse à la proposition faite par Laurent Gbagbo d’offrir ses bons offices dans le règlement de l’affaire des 49 soldats détenus au Mali. « Je demande qu’on nous permette, aussi à nous qui sommes dans l’opposition, de mener des démarches. Je suis sûr que le Gouvernement fait tous ses efforts pour discuter en public, en cachette, pour obtenir la libération des 49 militaires. Mais s’il ne réussit pas, je souhaite qu’on nous autorise, nous aussi, à discuter, de ces questions, avec les réseaux que nous avons au Mali, dont certains sont aux affaires, pour qu’on puisse chercher à ramener nos compatriotes au pays », a suggéré l’ancien pensionnaire de la prison de Scheveningen, à La Haye, aux Pays-Bas.
La réponse du Gouvernement a été simple. Elle a consisté à dire qu’une telle proposition, pour noble qu’elle puisse paraitre, n’avait pas besoin d’être faite tambour battant, à l’occasion d’une festivité publique, devant un parterre de personnes applaudissant à tout rompre. Pour un ancien président qui mesure bien le degré de sensibilité d’une affaire a priori classée secret-défense et dont personne n’ignore qu’elle fait l’objet d’une intense mais discrète activité diplomatique, cette façon tapageuse de l’aborder peut paraitre déplacée. Surtout que Laurent Gbagbo ne se prive jamais de rappeler qu’il est en contact téléphonique permanent avec le président de la République. Pourquoi ne pas utiliser ce moyen de communication pour prendre rendez-vous avec lui afin de faire sa proposition ?
Maintenant, quand on a dit tout ça, la vraie question n’est-elle pas de se demander si Gbagbo avait vraiment l’intention d’offrir ses services pour le règlement de cette affaire. Est-ce qu’il n’aurait pas été plutôt enclin à aller enfoncer le régime d’Abidjan auprès des autorités maliennes ?
On peut le penser au vue des différentes questions qu’il s’est posées l’autre jour à Mama sur la nature même de la mission de nos soldats. Le doute que cette mission suscite dans sa tête. Et surtout cette espèce d’incitation sournoise du peuple à exprimer son agacement (de quelle façon ?) que certains ont pu percevoir dans son discours. « Il faut (que le peuple) sache les tenants et aboutissants de cette affaire. Il faut qu’ils sachent d’abord si ce sont des militaires, des militaires ivoiriens et qu’on sache ce qu’ils faisaient au Mali. Étant entendu qu’un militaire obéit à des ordres, s’ils s’y sont rendus, obéissant à un ordre, il faut que cette enquête (parlementaire, ndlr) nous révèle quel est cet ordre et pourquoi on les a arrêtés ?», a-t-il bruyamment harangué la foule, qui buvait ses paroles comme du petit lait. Alors ces bons offices réclamés par Gbagbo ne cachent-ils pas un traquenard ?
KORE EMMANUEL