Véritable cours magistral du ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme sur la sécurité foncière urbaine aux sénateurs à la Fondation Félix Houphouët-Boigny hier lundi 1er août 2022. Un sujet d’actualité qui suscite des conflits fonciers qui ont atteint des proportions importants auxquelles si non n’y prête pas attention risque de graves conséquences. Car, dans la synthèse de la cartographie des conflits en Côte d’Ivoire, issu des échanges avec les populations dans les 108 départements sillonnés par les différentes délégations du médiateur de la République les conflits fonciers urbains et ruraux viennent en tête des 28 principaux indicateurs de menace de la paix et de la cohésion sociale, identifiés par les populations. Au vu de cette problématique, la haute Chambre du parlement a jugé opportun d’organiser cette séance d’information parlementaire pour instruire, former et informer les sénateurs. Surtout que selon le président Ahoussou Jeannot, révèle que le foncier urbain revêt un caractère transversal qui touche aux problématiques de l’assainissement, de l’habitat, de l’accès à un logement décent, de la gestion de l’eau, de l’environnement et du réchauffement climatique.
Dans un tel contexte, dit-il, les prévisions de l’accroissement de la population urbaine mondiale et ivoirienne, présagent d’une augmentation de tensions multiformes dans les villes, si des mesures drastiques ne sont prises, dès à présent, pour la résolution progressive des problèmes liés au foncier urbain. Surtout que, selon les Nations Unies, relève-t-il, plus de la moitié de la population qui vit dans les villes, devrait augmenter à 60% d’ici 2030. Et qu’il est prévu également que, dans les décennies à venir, 95 % de la croissance de la population urbaine se fera dans les pays en développement. Cette hausse des populations urbaines se manifestera surtout en Afrique, avec une majorité de la population du continent qui vivra dans les villes d’ici à 2030. Au total, près de 2,5 milliards de personnes supplémentaires habiteront en zone urbaine. L’Afrique et l’Asie représenteront 90% de cette hausse. Indiquant que la Côte d’Ivoire, notre pays, n’échappe pas à cette tendance au regard des dernières statistiques résultant du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 2021 qui révèle 29.389.150 habitants, contre 22.671.331 habitants en 2014, soit une augmentation d’environ 7 millions d’habitants. En 2021, 15.428.957 personnes vivaient dans les villes, alors que ce nombre s’élevait à 11.408.413 habitants en 2014, soit un accroissement de la population urbaine de l’ordre de 4 millions de personnes, en l’espace de seulement 7 ans. Ainsi, selon les chiffres du RGPH 2021, les villes d’Abidjan et de Bouaké concentrent respectivement 36% et 4,7% de la population totale urbaine en Côte d’Ivoire avec 17 villes peuplées de plus de 100.000 habitants alors qu’elles étaient au nombre de 12 en 2014.
Face à cette problématique, le ministre Koné Nabagné Bruno est monté au créneau pour expliquer aux sénateurs la vision et les missions prioritaires, les réformes et actions menées ainsi que les perspectives. Expliquant aux sénateurs que la sécurité foncière est l’assurance que les droits sur la terre dont on dispose, quelle que soit leur nature, ne seront pas contestés et que, s’ils le sont, ils seront confirmés par les autorités compétentes. La législation domaniale en Côte d’Ivoire à l’en croire, s’inspire essentiellement des dispositions héritées du droit foncier colonial, fait intervenir plusieurs acteurs dans le but de prévenir les éventuelles contestations. Ainsi dit-il, la réforme domaniale de 2013 dite réforme « ACD » a jeté les bases d’une administration foncière à la recherche de sécurité et de célérité dans la délivrance des actes du foncier urbain. Dans la recherche constante d’amélioration de son offre de services, un code de l’urbanisme et du domaine foncier urbain a été adopté depuis 2020 et encadre la mise en œuvre des projets structurants en cours, en particulier le projet de simplification et de transformation digitale du foncier urbain. Indiquant que le bilan diagnostic de l’étude nationale prospective Côte d’Ivoire 2040, révèle un certain nombre de réalités que vivent nos villes ivoiriennes : « la répartition hétérogène du réseau urbain sur le territoire national caractérisée par un réseau urbain plus détendu dans le nord, et une densité d’agglomération urbaine plus élevée dans les zones forestières et plus particulièrement dans le sud forestier ; la concentration des populations urbaines dans la ville d’Abidjan et ses environs (44% de la population urbanisée) ; l’occupation des sites impropres à l’urbanisation par les habitats spontanés et précaires ; les menaces sur l’écosystème littoral du fait des activités humaines et des modifications induites par les aménagements de l’espace » (constructions de canaux d’évacuation des eaux usées). A ces résultats s’ajoutent de manière exhaustive, l’accaparement de vastes superficies de terrains nus par certaines structures ou personnes physiques, en vue de les revendre à des coûts exorbitants ; la lenteur des procédures et les lourdeurs administratives qui retardent la délivrance, dans des délais raisonnables, des titres de propriété aux usagers ; les multiplications des arnaques dans le secteur, en sorte qu’un même terrain est souvent vendu à plusieurs acquéreurs à la fois, ou avec, par moments, des titres de propriété définitifs ;les éboulements de terrains urbains et les effondrements réguliers d’immeubles, qui causent de nombreuses pertes en vies humaines ; le non-respect du code d’urbanisme qui se manifeste, notamment, par la construction de maisons à étages dans des zones où le plan d’urbanisme prévoit des maisons basses. Face tout cela des réformes ont été entreprises. La mise en œuvre de la réforme ACD a été accompagnée de dispositions visant à sécuriser au mieux les différents maillons de la procédure. La dématérialisation à 100% des registres domaniaux et guides villageois du District d’Abidjan qui préserve l’intégrité de ces informations pour les traitements. La dématérialisation à 35% des dossiers de base des demandes d’actes.La dématérialisation à 70% des plans. Le géo référencement à 45% des plans dématérialisés. Le développement d’une Base de Données du Foncier et de l’Habitat (BDFH) qui sécurise les informations relatives aux différents lots et lotissements.
Jacquelin Mintoh