« Mesdames, messieurs Je viens de rentrer de Niamey où nous avons participé au sommet de la CEDEAO. C’était le 57ème sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de notre institution. Et c’était une occasion de faire le point de la situation politique, économique et sécuritaire dans la sous-région. Nous avons eu à passer en revue la situation politique dans chacun des pays. Vous constatez qu’en 2020, nous aurons des élections en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Ghana, au Burkina et au Bénin en début d’année prochaine. C’est dire que six pays de notre communauté auront des élections entre maintenant et le début de l’année prochaine. Nous avons tous souhaité que ces élections soient démocratiques, transparentes mais surtout apaisées. Tous les chefs d’Etat ont insisté sur le fait que la démocratie, c’est de croire aux urnes. C’est d’aller aux urnes. C’est de respecter les décisions des institutions et d’accepter les résultats des élections, d’utiliser les voies appropriées au niveau de la loi s’il y a des contestations. Ce n’est pas se retrouver dans la rue pour retarder le développement de nos pays surtout en cette période de Covid-19. Nous avons aussi examiné l’état de la communauté elle-même. A ce niveau, nous avons des préoccupations. Car en raison de la Covid-19, les ressources propres à la communauté ne représentent que 37% à fin juillet contre 50 % d’habitude. Ce qui veut dire que la communauté risque d’avoir quelques soucis de financement. Nous avons indiqué que tous les pays qui ne sont pas à jour devraient le faire le plus rapidement possible. J’ai le plaisir de vous dire que la Côte d’Ivoire fait partie des cinq pays qui sont à jour de leur cotisation. Nous pouvons être fiers de ce que nous sommes conformes à nos engagements. Le président du conseil des ministres a fait un compte rendu sur les questions relatives à la médiation, à la sécurité. La question de préparation monétaire était aussi l’un des points importants à l’ordre du jour. Ce point nous a permis d’expliquer à nouveau ce que représente la réforme au sein de l’UEMOA. Nous avons indiqué qu’il s’agit d’une réforme en deux temps. Le premier temps étant de faire en sorte que tous les engagements et tous les liens avec le Trésor français et la présence des Français dans les structures de l’UEMOA soient complètement effacés. Pour le futur, nous avons décidé que de ne maintenir la question de la garantie de notre monnaie par la France ainsi que le maintien de la garantie fixe avec l’Euro. Ces deux décisions sont des décisions intermédiaires en attendant la mise en place de l’Eco. Quand l’Eco sera réalisé en ce moment, le lien avec la garantie sera arrêté et nous pourrons rentrer dans une évolution de taux de change flexible, ainsi qu’une banque centrale fédérale. Le délai de juin 2020 comme arrêté préalablement n’est plus réalisable. La Covid-19 a complètement gâché tous les plans. Nous avons demandé au président de la commission de reprendre ce dossier avec les banques centrales commises à cette tâche pour nous proposer un nouveau calendrier. Certains parlent de trois ans, d’autres de cinq ans. C’est un dossier à suivre. L’Eco en tant que monnaie scripturale ou fiduciaire ne pourra pas voir le jour avant trois à cinq ans. Pendant cette période, nous continuerons d’utiliser le franc CFA qui est une bonne monnaie, une monnaie solide. Une monnaie appréciée de tous y compris par les pays voisins. Nous nous sommes félicités après cette clarification de la totale convergence de point de vue sur la question de l’Eco. Ce sommet a procédé à la désignation d’un nouveau président en exercice de la conférence. Il s’agit du président du Ghana, le président Nanan Akufo-Addo, qui prend aujourd’hui le témoin en remplacement du président Issouffou du Niger à qui nous avons rendu un vibrant hommage pour le travail important qu’il a fait pendant son mandat et surtout avec ces crises non seulement au plan sécuritaire mais également au plan sanitaire avec toutes les conséquences sur les économies, les finances de la sous-région. Nous l’avons félicité sur son engagement particulièrement sur la question du Mali. Ce dossier a été évoqué par tous les chefs d’Etat. Nous avons tous considéré qu’il fallait montrer notre solidarité envers le peuple malien en même temps qu’il fallait engager la junte militaire à tout faire pour que dans les prochains jours, il soit mis en place un président de transition civile, un chef de gouvernement, Premier ministre civil et que la durée de transition soit moins de 12 mois. Nous avons considéré qu’il fallait donner quelques jours de plus à nos frères maliens pour mettre en exécution ces décisions qui sont importantes. Parce que nous ne sommes pas les seuls. Nous avons des troupes au Mali, nous avons également des partenaires européens, comme les Nations Unies qui ont également des troupes au Mali. La communauté internationale est très engagée au Mali. Elle aussi souhaite que les décisions soient prises conformément à la feuille de route de la CEDEAO. Elle est simple cette feuille de route. C’est d’avoir des structures civiles le plus rapidement possible. Et également tenir les élections dans les 12 mois au maximum pour que le Mali puisse entrer dans une phase de normalisation. Avant mon voyage sur Niamey, j’ai eu un déjeuner de travail en tête-à-tête avec le président Emmanuel Macron. C’est un déjeuner qui était fixé depuis de longue date. Ce déjeuner a eu lieu le vendredi 4 septembre de 13 h à 15 heures. Nous avons eu un excellent déjeuner. Je voudrais remercier le président de la République pour la qualité du déjeuner. Le tête-à-tête nous a permis de faire le point de la coopération et de la relation entre la Côte d’Ivoire et la France. Pour constater que ces relations sont excellentes, que la Côte d’Ivoire a fait des progrès exceptionnels au cours des 9 dernières années aussi bien au plan économique que financier, sécuritaire, au plan de la lutte contre la Covid-19. Tout doit être mis en œuvre pour que cela se poursuive. Nous avons rassuré le président Macron que les élections se passeront dans la paix. Les Ivoiriens veulent la paix. Les Ivoiriens veulent des élections apaisées. Nous avons indiqué que les quelques perturbations que nous avons vécues au mois d’août étaient totalement de la manipulation et que toutes les dispositions sont prises pour que cela ne se reproduise plus jamais. Par conséquent, le calendrier sera tenu. L’élection présidentielle aura lieu le 31 octobre comme prévu. Les institutions font leur travail. La Commission électorale indépendante a terminé le sien et elle l’a envoyé au Conseil constitutionnel. J’ai indiqué au président Macron que l’Etat de droit, c’est la construction d’institutions fortes et indépendantes. C’est ce à quoi nous nous sommes employés au cours des 9 dernières années. Nous avons dit au président Macron que nous avons confiance à nos institutions. Elles diront le droit. Après quoi, la campagne sera ouverte à compter du 16 octobre. Le scrutin aura lieu comme prévu le samedi 31 octobre. Mon vœu et mon souhait le plus cher est que ces élections conduisent à une situation où la Côte d’Ivoire continue sur sa trajectoire avec sérénité. Pour qu’il y ait un meilleur partage des revenus de la croissance, qu’il y ait un apaisement dans les cœurs des uns et des autres, surtout pour ceux qui se sentent frustrés… C’était un déjeuner amical pour montrer son engagement et sa confiance dans le processus, le président français a accepté de multiplier par cinq la contribution de la France au processus électoral au niveau de la Commission électorale indépendante. Nous avons également parlé longuement du Mali, de la préoccupation de la France, de l’Europe et de la communauté internationale. J’ai dit au président Macron que nous étions en contact avec les jeunes gens de la junte. “L’élection présidentielle aura lieu le 31 octobre comme prévu” Nous les encourageons à faire tout pour que les structures soient mises en place dans les meilleurs délais. Il y va de l’intérêt des Maliens et de l’intérêt des pays voisins comme la Côte d’Ivoire. Le Mali est le deuxième client de la Côte d’Ivoire au plan continental. Ce qui affecte le Mali, affecte la Côte d’Ivoire. J’ai indiqué que nous allons travailler de concert avec les autres chefs d’Etat pour que cela puisse se réaliser. Au cours des trois derniers jours, j’ai parlé au colonel Assimi Goita, au moins quatre fois. Nous sommes en contact avec eux pour les encourager à faire avancer le processus au Mali en mettant en place un gouvernement civil, avec un président de transition civil, un Premier ministre civil et à tenir l’élection présidentielle et l’élection législative dans un délai de 12 mois maximum. Nous avons évoqué la question de l’attaque terroriste. J’en ai profité pour dire comment nous avons géré l’attaque de Kafolo. Je voudrais féliciter les grands commandements pour l’important travail qui a été fait pour circonscrire cette attaque. J’ai indiqué que nous avons des dizaines de personnes en détention qui sont interrogées. Ceci nous permet d’avoir des informations intéressantes pour nous-mêmes mais également pour les pays voisins. Nous avons créé une zone spéciale au nord pour protéger nos frontières, pour protéger les Ivoiriens. Au plan de la sécurité, la Côte d’Ivoire continue d’être bien tenue. Nous faisons en sorte de donner tous les moyens à nos forces de défense et de sécurité pour continuer cet excellent travail. Nous avons également parlé de la pandémie. J’ai dit au président français toute ma fierté pour les résultats que nous avons obtenus jusqu’à présent en expliquant comment nous avons procédé pour y arriver. Il y a eu d’abord l’isolement d’Abidjan, chose qui a permis de concentrer la plupart des cas à 90 % dans la ville d’Abidjan. Nous avons ensuite mis fin à l’isolement. Ce qui a permis de reprendre la scolarité au primaire, au secondaire et au supérieur. La Côte d’Ivoire est l’un des rares pays à avoir pu organiser les examens secondaires avec le BEPC et le Baccalauréat. En 2019, le taux de réussite était de 41 % ce qui semble faible mais au-delà des 20 % quand nous sommes arrivés aux affaires. En 2020, malgré la Covid-19, nous sommes à 40 % de taux de réussite. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, Je voudrais féliciter le gouvernement pour cette performance exceptionnelle. Au niveau des chiffres, nous sommes dans une situation où le pourcentage de cas positifs est en train de baisser selon le comité des experts. Selon eux, nous sommes maintenant sur la pente descendante. Nous avons entre 5 et 10 % de cas positifs avec 120 morts. Un chiffre certes élevé mais qui est en deçà des chiffres des pays qui ont à peu près la même population que nous. Notre expérience peut être exportée. La gestion de cette pandémie par le gouvernement avec la mise en place de moyens rapides, de fonds de soutien à l’économie, des fonds humanitaires ont permis d’envisager maintenant un taux de croissance de peutêtre 2 à 3% au lieu de 0, 8% que nous avons imaginé au départ. Bien sûr que cela se compare à un taux de croissance 7,2% que nous avions imaginé en 2019 quand nous avons travaillé sur les perspectives de l’année 2020. C’est dire que la Côte d’Ivoire a une performance exceptionnelle, le taux de létalité est de 0,64 % alors que dans la plupart des pays on est entre 5 et 10%. Je crois que c’est une expérience que nous pourrons partager avec d’autres pays. Je voudrais féliciter le gouvernement, le ministère de la Santé, le comité d’experts pour ce travail important qui a été fait. Nous avons évoqué la question internationale, surtout la question au Liban. La Côte d’Ivoire compte une bonne communauté libanaise sur son sol. Tout ce qui se passe au Liban intéresse la Côte d’Ivoire. J’ai fait savoir que la situation que vit le Liban est comparable à celle que vivait notre pays en 1990, quand le président Houphouët a fait venir un technocrate pour mettre de l’ordre dans la maison ivoire. Dans ce genre de situation quand les citoyens perdent confiance aux hommes politiques, il faut faire appel à des gens qui peuvent avoir la capacité de mener une politique objective. C’est ce que nous avons fait de 1990 à 1993. Le déjeuner était un déjeuner entre amis. Nous avons partagé beaucoup de souvenirs et de confidences que je ne livrerai pas. »
Propos recueillis par TL