Une semaine après la validation par le Conseil constitutionnel des résultats provisoires de l’élection présidentielle du 31 octobre dernier, remportée brillamment par le candidat du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix), Alassane Ouattara, avec 94,27% des suffrages exprimés, la vie a repris son cours normal dans le pays. À Abidjan, les rues ont renoué avec les embouteillages quotidiens. Les marchés, les restaurants et les maquis ont retrouvé leur habituelle ambiance bruyante. Les commerces grouillent à nouveau de monde
À l’intérieur du pays, les fusils de calibre de 12 se sont tus, les machettes, couteaux et gourdins ont été rangés, les barricades érigées sur les routes principales et les pistes villageoises ont disparu… Bref, les esprits ne sont plus conditionnés à la belligérance, mais désormais disposés à la paix. La psychose a fait place à la sérénité. L’adresse forte à la Nation du Président élu, quelques heures à peine après la confirmation définitive de son plébiscite par plus de trois millions d’électeurs a, tel un élixir contre la violence, subitement éteint les foyers de tension. Et sa rencontre importante avec le Président Bédié a rassuré et convaincu les populations sur la nécessité absolue de tourner la page des brutalités pour ouvrir celle du dialogue. Ne dit-on pas qu’il y a un temps pour la guerre et un temps pour faire la paix ? Mais, avant d’aller à la paix, il faut, pour ne pas que cela se reproduise, tirer, en toute franchise, les leçons de ce qui s’est passé. Certes, pour la paix, il faut des sacrifices. Mais, force est de reconnaître que les conséquences de l’appel à la désobéissance civile et au boycott actif lancé par l’opposition sont tragiques, pour ne pas dire effroyables. Au moins 85 personnes ont perdu la vie au cours des sept semaines de manifestations d’une violence inouïe. A cela, s’ajoutent la destruction de biens publics et privés, le vandalisme du matériel électoral, souvent avec une fierté déplacée exprimée par les casseurs, le pillage et l’incendie de domiciles… Ce n’est pas tout, l’activité économique du pays a été également impactée, avec pour effet immédiat, le ralentissement des investissements et l’amenuisement des recettes de l’Etat (impôts, douanes, etc.). La Côte d’Ivoire a beaucoup perdu pendant ces deux mois de tourments, de psychose et de terreur causés par l’opposition qui, par manque de projet pour les Ivoiriens, s’est engagée dans une voie sans issue, puisque l’élection qu’elle voulait empêcher a finalement eu lieu. Et, bien plus, le scrutin s’est globalement bien déroulé, en dépit des incidents constatés, comme l’ont relevé, en chœur, les observateurs nationaux et internationaux. Aujourd’hui, l’heure serait au dialogue pour préserver la paix. En tout cas, c’est ce que veulent nous faire admettre les discours politiques. Mais, entre-temps, qui va payer la note des actes répréhensibles perpétrés ? Qui va rendre justice à la famille Messoum et à Mémé Yao Amenan Thérèse (80 ans), ainsi qu’à Diakité Aboubacar (23 ans) de Toumodi, à Sylla Bangaly (17 ans) et à Kouamé Philippe de Tiébissou, à Kouakou Yao Jean Marc (22 ans) ou à Diakité Younouss de Yamoussoukro, à Moral Ekra de Bonoua, ces personnes atrocement tuées dont le chef de l’État a fait cas dans son discours ? Apparemment, les opposants, notamment leurs instigateurs, ne semblent pas prêts à assumer les conséquences de leurs appels irresponsables. En effet, dans une récente déclaration, ils exigent (sic), comme préalable à toute discussion, « La fin de toutes les poursuites judiciaires contre les responsables et militants de l’opposition et de la société civile ». Ceux-là même qui sont soupçonnés par la justice d’avoir planifié, encouragé les violences, en manipulant à coups de billets de banque et de stupéfiants les jeunes manifestants. Céder à cette requête serait consacrer le règne de l’impunité et surtout renvoyer un très mauvais signal à l’opinion nationale. Si ceux qui ont fait tuer, casser et brûler, souvent avec condescendance, ne répondent pas devant la justice, à la moindre incartade il ne faudrait pas s’étonner qu’il n’y ait plus d’actes délictueux. Et ce qu’il faut craindre, c’est que la population se fasse désormais justice parce qu’elle sait que ceux qui commettent des violences ne seront pas punis. Toute réconciliation qui se veut sincère, se nourrit de vérité et de justice. C’est pourquoi, le politique doit laisser la justice tranquillement faire son travail. Ainsi, les poursuites enclenchées par le Procureur de la République contre les auteurs et les commanditaires de ces faits criminels doivent se poursuivre jusqu’à leur terme. Un État de droit, digne de ce nom et qui se respecte, ne saurait fermer les yeux sur les crimes et les violences inhumaines commises durant la désobéissance civile et le boycott de l’élection présidentielle. Réconciliation d’accord, mais justice d’abord.
PAR CHARLES SANGA