C’est désormais connu. Le torchon brûle entre l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, et son poulain, Charles Blé Goudé, président du congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (COJEP). Et, l’ancien leader de la galaxie patriotique n’est plus le bienvenu chez les pro-Gbagbo. Mieux, il dérange non seulement avec ses sorties qui marquent de plus en plus la distance entre lui et ses anciens compagnons de lutte, mais aussi et surtout pour ce qu’il a représenté et continue de représenter pour la jeunesse pro-Gbgabo. Qui en Côte d’Ivoire peut, en outre, nier que l’ex-secrétaire à l’organisation de la fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) est un tribun et harangueur de foule ? Tout le contraire des Damana Pickass, Stéphane Kipré et autre Guy Lasme. Ainsi, de 2002 à 2010, le camp Gbagbo a pris la pleine mesure de ses capacités de mobilisation. A la tête de la fameuse galaxie politique, Charles Blé Goudé a défendu avec hargne l’ex-régime des frontistes à travers des mobilisations exceptionnelles et des discours enflammés tant à Abidjan que dans des villes de l’intérieur sous contrôle du gouvernement pendant la crise militaro-politique. Ce qui lui vaut aujourd’hui le sobriquet de ‘’général de la rue’’. Dans le jargon militaire, on dira que le ‘’général’’ était à la tête des troupes au front pour défendre le régime de son mentor. Quoiqu’on puisse lui reprocher, l’ancien prisonnier de Scheveningen, qui a d’ailleurs affirmé récemment sur un plateau télé qu’il ne savait pas ce qu’il faisait, a démontré à l’opinion nationale et internationale qu’il est et demeure un grand mobilisateur dont le départ d’un parti politique ou la séparation avec un allié et/ou un homme politique laisse nécessairement un vide. Et, son refus de rejoindre le nouveau parti de son mentor, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) ainsi que sa volonté de s’affranchir de la violence n’est pas du goût des pro-Gbagbo tels que Koné Katinan, Stéphane Kipré, Damana Pickass et autres. Cela dérange tellement que le chouchou d’hier est aujourd’hui l’homme à abattre coûte que coûte. Dans une guerre sans merci à lui livrer les uns et les autres ne manquent plus de tribunes ni d’occasions pour tirer à boulets rouges sur lui. Traître, vendu, indigne ou encore ingrat, Charles Blé Goudé est constamment pris pour cible. En témoigne l’article au vitriol contre lui, publié, hier, dans les colonnes du confrère ‘’Le Quotidien d’Abidjan’’. ‘’Pris en flagrant délit de trahison, comment Blé Goudé distrait les Ivoiriens’’, pouvait-on lire à la manchette du journal proche du PPA-CI. En parcourant l’article, on comprend aisément toute la colère du camp Gbagbo face au départ de ce pion essentiel du dispositif pro-Gbagbo que Blé Goudé a été. En effet, après avoir accusé Charles Blé Goudé de tous les péchés d’Israël, et surtout de changer de camp, le journal a conclu pour dire que « Blé Goudé devrait dire merci à Laurent Gbagbo. Car, c’est bien le président du PPA-CI qui, au moment de son règne, avait financé les cours de l’épouse de Blé Goudé. C’est pourquoi, il lui faut adopter une posture d’humilité vis-à-vis de Laurent Gbagbo ». Nul n’a donc besoin d’être devin pour comprendre que la posture actuelle de Blé Goudé dérange. Désormais engagé pour la paix, la cohésion sociale, le tribun incarne dans l’esprit de nombreux pro-Gbagbo le futur de la gauche ivoirienne. Et, ceux qui aspirent à jouer les premiers rôles au sein de cette gauche après Laurent Gbagbo mettent tout en œuvre pour étouffer cette ambition pourtant légitime.
C’est clair comme de l’eau de roche, Charles Blé Goudé veut se détacher de l’extrémisme, de la violence dans laquelle certains cadres du PPA-CI continuent de s’inscrire. Selon lui, il y a un temps pour faire la guerre et un temps pour faire la paix. «Le temps de la paix a sonné. Quand le son du tam-tam change, on change de pas de danse », répète-t-il partout où il passe. Avant d’inviter l’ensemble des Ivoiriens à s’inscrire dans la dynamique de la paix et de la réconciliation nationale portée par le président de la République, Alassane Ouattara. Pour lui, les choses sont assez claires. La belligérance terminée, il est question aujourd’hui de construire la paix pour le bonheur du peuple ivoirien. Plus de discours de haine, plus de promotion de haine ni d’appel à l’insurrection. Le nouveau Blé Goudé est un véritable apôtre de la paix et un artisan de la cohésion sociale. C’est pourquoi, il n’hésite pas à prendre le contre-pied de ceux qui appellent nuit et jour à la survenue d’une autre crise en Côte d’Ivoire qu’il baptise ‘’le match retour’’. «J’attends des gens parler d’un match retour. Avec qui et contre qui ils vont jouer ce match. Je le dis, il n’y aura pas de match retour en Côte d’Ivoire. Car, les Ivoiriens ont compris la nécessité de la paix pour eux. Il faut nous faut la paix et le développement. C’est ce que nous devons demander aux Ivoiriens, la culture de la paix et la promotion de la cohésion sociale », affirme-t-il. Évidemment, ce nouveau discours est un obstacle à la manœuvre politique des cadres du PPA-CI rythmée de discours démagogiques, orduriers et séditieux, d’actes de défiance, provocateurs et de trouble à l’ordre public, de promotion de la haine tribale et de la violence. C’est pourquoi, ces derniers s’acharnent sur Charles Blé Goudé en vue de le diaboliser et le discréditer sur la scène politique ivoirienne. Cependant, pour qui connaît, ‘’le général de la rue’’, il n’est pas homme à se laisser faire. Et, la guerre entre les anciens camarades promet d’être rude et féroce.
Lacina Ouattara