Le système éducatif ivoirien retrouve progressivement ses repères. Il sera davantage performant avec l’introduction des langues maternelles dans l’enseignement. Dans cette contribution, Dr André Déazon, auteur de la pédagogie capacitaire, explique le bien-fondé de l’introduction des langues maternelles dans l’enseignement.
I – L’IMPORTANCE DE L’ÉDUCATION
Lucien Malson, dans son ouvrage intitulé Les enfants sauvages (édition 10/18), dit : « Sans éducation l’homme serait moins qu’un animal ». L’un des enfants sauvages appelé Victor de l’Aveyron (élevé par des loups) marchait à quatre pattes à 17 ans !
M. Alain Jupé (ancien premier Ministre français) affirme : « L’éducation est la mère de toutes les réformes ».
Terminons ces citations sur l’éducation avec le grand poète japonais Daisaku Ikeda qui écrit : « Inutile de le dire, l’éducation est l’entreprise la plus importante qui soit ; elle déterminera l’avenir du Japon et du monde.»
Comme l’a écrit le Président Daisaku Ikeda, «l’éducation est l’entreprise la plus importante qui soit !». Mais on ne peut éduquer sans pédagogie. Emile Blanchard a écrit dans son ouvrage intitulé Introduction à la pédagogie que « L’objet de la pédagogie est l’éducation ». En d’autres termes, la pratique éducative est inconcevable sans pédagogie ! Nous avons aujourd’hui la preuve scientifique que la pédagogie est, par excellence, la science pour l’éducation. D’où l’ultime importance de la pédagogie. Si l’éducation est la priorité de toutes les priorités, que dire de la pédagogie sans laquelle elle ne peut se pratiquer ?
Le drame du système éducatif ivoirien est qu’en Côte d’Ivoire la pédagogie est clouée au pilori ! Les exemples sont nombreux pour illustrer ce déni de la pédagogie !
C’est pour contribuer à combler ce vide que j’ai publié en 2004 l’ouvrage d’analyse informatique intitulé Merise pas à pas qui est à la fois un ouvrage de contenu et de didactique ! Pour les mêmes raisons, j’ai publié aux Éditions Universitaires de Côte d’Ivoire (EDUCI) en 2016 La pédagogie capacitaire, la science pédagogique exigée par l’éducation.
L’ouvrage Merise pas à pas règle prioritairement un problème national : il est destiné aux nombreux étudiants qui entrent en première année d’informatique sans les connaissances pré-requises. Quant à la Pédagogie capacitaire, il s’agit d’une contribution mondiale. C’est la toute première pédagogie, au monde, ayant atteint le niveau scientifique d’une axiomatique !
II – LA PÉDAGOGIE CAPACITAIRE : UNE AXIOMATIQUE !
Pour Robert Blanché (1970), « Il y a comme une loi de développement des sciences, qui les fait passer, dans un ordre irréversible et chacune à son tour selon le rang qu’elle occupe dans la hiérarchie, par quatre étapes successives : descriptive, inductive, déductive, axiomatique » (Blanché, Reéd., 1970, p. 84).
C’est donc par « la méthode axiomatique »que n’importe quelle science peut se hisser au sommet de la hiérarchie des sciences ! L’éducation exige la science à plus de 98%. Alors, la pédagogie, science pour l’éducation par excellence ne peut être qu’une axiomatique !
II – 1 Qu’est-ce qu’une axiomatique ?
La géométrie euclidienne n’est qu’une ″postulatique″ parce que ses principes premiers ne sont que des postulats, c’est-à-dire des propositions sans preuve mathématique, mais nécessaires pour la démonstration. Ainsi, le postulat des parallèles, sans preuve mathématique, est admis parce qu’il rend possible la démonstration de plusieurs théorèmes tel que le théorème de la somme des angles d’un triangle par exemple !
A la différence du postulat, l’axiome dispose de preuves scientifiques. Une théorie construite à partir d’axiomes est donc plus scientifique qu’une ″postulatique″. La pédagogie capacitaire est une axiomatique qui dispose de trois axiomes. Le troisième de ces axiomes est :
« La nécessité d’un modèle pour éduquer »
La preuve scientifique de cet axiome est la corrélation ci-dessous :
([Coef.cor(le modèle, l’éducation) = 1]).
De ces axiomes découlent trois modèles qui constituent l’ossature de la pédagogie capacitaire :
1. Le modèle pédagogique issu du triangle pédagogique ;
2. Le modèle didactique issu de l’unité d’apprentissage ;
3. Le modèle de calcul des notes issu des deux premiers modèles.
4. Le triangle pédagogique est le plus petit dispositif déclencheur de l’activité d’apprentissage[2(PDA)].
II – 2 Le triangle pédagogique
Légende :
1 – MEF : Le maître de l’éducation/formation
2 – DEF : Le domaine de l’éducation/formation
3 – AEF : L’apprenant en éducation/formation
La toute première exigence est la connaissance de l’apprenant :
« Connaître de façon précise les êtres sur lesquels doit s’exercer l’action de l’éducateur est la première condition du succès pédagogique (…). L’éducation est orientation, éventuellement modification et souvent perfectionnement du développement naturel. Comment réaliser ces objectifs sans être informé aussi exactement sur le sujet de l’éducation, l’écolier ? « Pour enseigner le latin à Jean, disent les Anglais, il faut d’abord connaître Jean et ensuite le latin » ». (É. Blanchard, op. cit., pp. 41-42).
« Il faut d’abord connaître Jean et ensuite le latin » Cette exigence pose le problème crucial de l’identité des apprenants. Qui l’école accueille–t-elle ?
III – LA QUESTION DE L’IDENTITÉ DES APPRENANTS
Pourquoi connaître l’apprenant est la première condition du succès pédagogique ? Trois auteurs apportent des réponses :
1. G. Bachelard : « aucun esprit n’arrive à la science vierge » ;
2. Dodson : « Tout se joue avant six ans » ;
3. Meyerson : « Connaître c’est connecter le nouveau à l’ancien ».
Au fondement de ce que disent les trois auteurs se trouve l’identité.
Or, lorsque Mme Simone Weil a été admise à l’académie française le jeudi 18 mars 2010, (au temps du Président Chirac), elle a déclaré, « La langue française est le pilier de l’identité française ». La langue française étant la langue maternelle de la plupart des français, il faut conclure de cette affirmation de Mme Simone Weil, que« notre langue maternelle est le pilier de notre identité ».
1. Le Français (identité) parle prioritairement français (langue) ;
2. L’Anglais (identité) parle la langue anglaise ;
3. Le Japonais parle japonais ;
4. Le Baoulé parle baoulé
5. Le Dan parle dan (Dan po men)
6. Etc.
Le but du symbole au cou des apprenants à l’école coloniale était de détruire l’identité du colonisé en l’interdisant de parler sa langue maternelle.
IV – L’ÉCOLE COLONIALE
L’école coloniale avait pour objectif de faire des colonisés ce que Seydou Badian décrivait dans son Roman Sous l’orage : « des feuilles mortes détachées de leurs souches et livrées au gré du vent ». Ils savaient déjà qu’en privant le colonisé de sa langue maternelle ils le privaient de son identité et de tout ce qui suit !
Ainsi, jusqu’à aujourd’hui, notre système éducatif et notre société elle-même sont victimes de ce traumatisme identitaire. Pour restaurer cette identité en déperdition il faut introduire les langues maternelles à l’école comme langue d’enseignement. Le reste est une question de pédagogie et de didactique.
Nous avons plus de soixante langues nationales en Côte d’Ivoire lesquelles introduire à l’école ? Le professeur Bakary Tio Touré, ex-recteur de l’Université de Cocody, a déjà répondu à cette préoccupation.
Dans une interview accordée au journal Le Patriote du jeudi 17 octobre 2013, le Pr Bakary Tio Touré répondait à la question suivante posée par le journaliste JA.
Question : « En Côte d’Ivoire, on parle plus de soixante ethnies. Comment se fait donc la sélection de ces langues à enseigner ? »
Réponse du Pr Bakary Tio Touré : « Votre préoccupation est de savoir, sur soixante langues, quelle langue enseigner ; la position de l’Ascad qui est la position de l’Unesco, de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), consiste à dire qu’il faut enseigner toutes les langues maternelles dans les différentes régions. Aucune langue ne doit être laissée à l’abandon. Parce que la langue est une partie essentielle de la culture d’un peuple. Donc la multiplicité, la diversité des langues nationales est une richesse du patrimoine culturel de la Côte d’Ivoire. Toutes les langues méritent d’être transmises, enseignées et promues. Car, une langue qui meurt, c’est une partie de la civilisation ivoirienne qui disparaît. » (Le quotidien « Le Patriote » du jeudi 17 octobre 2013, p. 12).
André DÉAZON
Écrivain scientifique
Auteur de la pédagogie capacitaire