Cette année, la célébration de la fête de Pâques en pays baoulé est irréversible. En effet, frustrés l’année dernière de n’avoir pu honorer ce rendez-vous qui fait partie intégrante de leur culture, les Baoulés sont décidés à braver la Covid-19 pour ces retrouvailles qu’ils mettent à profit pour plusieurs raisons. Notamment régler les conflits et réconcilier les familles, faire connaitre aux jeunes les coutumes de leurs ancêtres, festoyer après plusieurs mois ou années de séparation, rechercher des solutions liées au développement de leur région. A côté, c’est également une période de réjouissance où sexe et alcool se côtoient. Des moments de rencontre où on peut croiser l’âme sœur. Des liens d’amitié sont aussi tissés. « Paquinou » appelée fête de la viande et du vin est ainsi célébrée dans toutes les contrées baoulés du pays avec au programme, des cérémonies traditionnelles, des messes, des réunions familiales pour le règlement des palabres et la préparation de l’avenir. Aujourd’hui, elle tend à gagner d’autres peuples en dehors du groupe Akan, notamment le peuple frère Tagbana. Mieux, de nombreux Ivoiriens s’invitent à ces retrouvailles qui peuvent jouer un rôle majeur dans la réconciliation des populations. Pour cette année 2021, c’est peu de dire que dans toutes les gares de transport à Bouaké, c’est l’effervescence. Il faut bien partir maintenant, car à la veille, ce n’est pas évident qu’on puisse s’offrir une occasion pour voyager. Et bien souvent, les moins prévoyants en la matière se surprennent à fêter en plein voyage, faute d’avoir pu arriver au « village ». Comme chaque année, la célébration se fera hors d’Abidjan et des grandes villes qui se vident au profit des villages et des campements. Ainsi depuis le début de la semaine du lundi 29 mars, la capitale du centre, d’ordinaire une ville de transit, voit ce rôle se corser avec de nombreux autocars qui déversent ou embarquent journellement plusieurs centaines de voyageurs avec de nombreux bagages dans les principales gares, qui se vident peu après au profit des petites, « les gares secondaires » des villages. Puis commencent d’autres « petits » voyages, en convois, taxis-brousse pour le « Klô », le village ou le campement. « Je dois y aller quel que soit ce que cela me coûtera », nous confie Kouassi Rosine, une voyageuse rencontrée à la gare de Diabo. Pour elle, « Pas question de rater cette fête. J’ai passé toute l’année à économiser ; aujourd’hui, avec cent vingt mille francs d’économie, je peux prendre part à cette grande rencontre que nous n’avons pu célébrer l’an passé ». Pour M. Gustave Y., instituteur de profession, en partance pour Kondrobo/Béoumi, la meilleure façon de fêter la Pâques doit se faire au village ou dans un campement. « Je ne passerai jamais ces moments à Abidjan. Ce ne serait vraiment pas approprié de rester à Abidjan pour la célébration de la Pâques. Au village, nous avons non seulement l’air frais, mais également l’occasion de passer de bons moments avec nos parents que nous n’avons pas vus depuis plus d’un an » a-t-il soutenu. Mlle Rachel Tanoh n’entend pas non plus faire dans la dentelle. « J’ai renouvelé ma garde robe. Il n’est pas question que je porte des haillons. Tu ne peux pas rester à Abidjan pendant des années et rentrer au village avec les mêmes vêtements. Il faut prouver à nos soeurs et amies restées au village que nos avons eu une bonne raison de partir nous’’ chercher’’ à Abidjan ». Attention à la Covid-19 La célébration de cette année est particulièrement dangereuse à cause de la Covid-19 qui connaît une deuxième vague beaucoup plus agressive et meurtrière en Côte d’Ivoire. Les chiffres publiés chaque jour par le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique l’attestent. Mais la plupart des passagers rencontrés dans les gares affichent leur détermination à défier la pandémie. Rares sont ceux qui portent un masque de protection. « Avec ou sans Covid, cette année je vais fêter », nous dit l’un d’eux, quand un autre affirme qu’il « faut bien mourir de quelque chose ». Dans ces gares, une absence totale de dispositifs de lavage des mains saute aux yeux. Les accolades, les embrassades, les chaleureuses poignées de mains se font comme de rien n’était. Certes, ces moments de célébration ont une connotation positive. Mais cette année est particulière. La Covid-19 continue de sévir et il est de plus en plus question de variant anglais en Côte d’Ivoire. Tout ne devrait pas se faire comme si de rien n’était. Tous sont interpelés. L’Etat, à travers le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique doit accroître la sensibilisation au respect des mesures barrières et faire du dépistage systématique dans les gares. Les responsables des gares et les transporteurs de voyageurs doivent imposer systématiquement le port du masque aux passagers et installer des dispositifs de lavage de mains dans les gares. Les voyageurs et la population en général sont invités au respect des mesures barrières.
AGNES KOUAHO, CORRESPONDANT