Les Ivoiriens seront appelés le 6 mars prochain aux urnes pour choisir les 255 députés qui vont siéger dans la chambre basse du Parlement pour les 5 années à venir. Contrairement à la présidentielle du 31 octobre dernier, l’opposition politique, dans toute sa diversité, à l’exception de quelques petits partis politiques satellites, ira à ces élections. Depuis le vendredi 22 janvier dernier, date de clôture du dépôt des dossiers de candidature, on en sait un peu plus sur les différents candidats en lice, aussi bien du côté du RHDP que de l’opposition. On sait aussi la détermination de chaque camp à sortir victorieux au soir du 6 mars. En témoigne l’empoignade verbale – mais très courtoise – qu’il y a eu entre Georges Armand Ouégnin, président de la plateforme Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS) et Adama Bictogo, directeur exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) le vendredi dernier alors que tous deux étaient au siège de la Commission électorale indépendante. Venus s’enquérir des conditions de dépôt des dossiers de candidature, les deux personnalités ont ouvert les hostilités. « Le 6 mars, nous prendrons l’Assemblée nationale », avait enclenché le président d’EDS. « Nous aurons une majorité parce que les Ivoiriens ont adhéré au programme de gouvernement du président Alassane Ouattara et l’opposition nous accompagnera pour jouer son rôle d’opposition », avait répliqué le directeur exécutif du RHDP. Il se pose dès lors la question de savoir qui du RHDP et de l’opposition sortira vainqueur, en termes de plus grand nombre d’élus, le 6 mars. A priori, il ne devrait pas y avoir match entre le RHDP et l’opposition. En effet, que peut-on attendre d’une équipe de football qui se présente face à son adversaire avec un effectif réduit de six joueurs de champ et d’un gardien de but. Rien, puisqu’on n’a pas besoin de jeter des cauris pour prédire le score qu’il va subir devant une équipe qui se présente au grand complet avec 10 joueurs de champ, un gardien et un banc de touche fourni. Malgré la bonne volonté des joueurs de la première équipe, ils ne pourront pas faire de miracle. Ramené à la situation politique ivoirienne, on voit mal l’opposition triompher. Et pour cause, alors que le RHDP annonce 255 candidats sur les 255 sièges existants, le PDCI lui annonce 136 candidats, EDS 103 et le FPI, l’UDPCI, AGIR et le COJEP 97. Aucun parti politique de l’opposition ne couvre donc tout le territoire national. Même pas le PDCI qui a dirigé le pays durant plusieurs décennies. Tous les partis de l’opposition vont à ces élections avec le handicap du nombre. Face au PDCI, à EDS, au FPI et à l’UDPCI, le RHDP a respectivement une avance de 119, 152 et 158 postulants. Voici la première raison qui donne le RHDP largement favori. Mais bien plus, le parti des houphouëtistes jouit d’un important capital de confiance auprès des populations ivoiriennes, au vu de son bilan de dix années de gouvernance. Une maîtrise millimétrée du terrain Ces dernières années, et c’est la seconde raison, le RHDP a constamment occupé le terrain. Il ne se passe pas de week-end sans que ses cadres ne soient au contact des populations. Et cela se passe sur l’ensemble du territoire national. En effet, pour mettre en application l’une des instructions d’Alassane Ouattara, président du RHDP, après la présidentielle du 31 octobre, les membres du gouvernement étaient allés à nouveau sur le terrain pour exhorter les populations à l’apaisement et à la retenue, afin de préserver la paix et la cohésion sociale. Bien avant, au mois de juin, les cadres de la formation politique chère à Ouattara ont été déployés sur le terrain pour inviter les populations à prendre part à la révision de la liste électorale. De même à la mi-octobre, les élus et cadres de ce parti étaient sur le terrain pour la campagne de la présidentielle. Il ne faut pas oublier que de façon périodique, surtout les week-ends, le contact entre les cadres du RHDP et la base est permanent. A contrario, l’opposition a brillé par ses appels au boycott, notamment lors de la confection des nouvelles cartes nationales d’identité. Des centres d’enrôlement ont alors été saccagés et le matériel détruit, notamment à Yopougon. Les militants de l’opposition ont ainsi été invités à ne pas se faire enrôler. De plus, le PDCI et ses alliés ont tenu très peu de meetings, en dehors de quelques rassemblements organisés plus pour injurier, s’insurger, menacer que pour proposer un projet de société ou un programme de gouvernement susceptible d’allécher leurs militants. Le « giga meeting » de l’opposition le 10 octobre dernier au stade Félix Houphouët-Boigny étant de ce point de vue un exemple parlant. Ce jour-là, les différents discours rivalisaient tellement de violence et de haine que le public, qui attendait mieux, avait fini par déserter les lieux avant la fin du meeting. Au grand désarroi de Maurice Kakou Guikahué dont la voix appelant le maître de cérémonie à annoncer le passage d’Henri Konan Bédié, au motif que le public quittait les lieux, continue de résonner et de faire l’objet de raillerie de beaucoup d’Ivoiriens. Le terrain n’a donc aucun secret pour les cadres du RHDP qui, du sud au nord, de l’est à l’ouest en passant par le centre, ont toujours fait des démonstrations de force au niveau de la mobilisation. Man, Bouaké et Abengourou, pour ne citer que ces villes, en ont fait la preuve lors de la dernière campagne présidentielle. En plus du terrain, le RHDP a fait le choix de candidats de valeur. Des hommes et des femmes de valeur La liste des candidats du RHDP est connue. Ainsi que celle des autres partis politiques de l’opposition. La troisième raison de cette victoire, qui se profile à l’horizon, est qu’au RHDP, cette liste est portée par Hamed Bakayoko et Amadou Soumahoro, respectivement Premier ministre et président de l’Assemblée nationale à Séguéla, Patrick Achi, ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence à Adzopé. Plusieurs autres ministres sont en lice pour le compte du RHDP. Il s’agit notamment de Kobenan Kouassi Adjoumani, dans le Gontougo ; Nialé Kaba, dans le Bounkani ; Aka Aouélé, dans le SudComoé ; Cissé Bacongo à Koumassi ; Gilbert Kafana Koné, à Yopougon. Il en est de même pour Amédé Kouakou à Divo ; Anoblé Félix à SanPedro ; Anne Ouloto, à Toulepleu. Dans toutes les régions du pays, les listes RHDP sont portées par des cadres de premier rang pour qui les élections n’ont pas de secret. Tous sont des élus dans leur localité et cela depuis plusieurs années. En face, l’opposition a décidé de reconduire ses anciens députés comme Odette Lorougnon, anciennement députée d’Attécoubé qui va à la conquête du siège de Gagnoa ; Lida Kouassi Moïse, ancien député FPI de Marcory qui se présente à Lakota. Ou d’anciens ministres, notamment Hubert Oulaye qui est candidat à Guiglo ; Laurent Akoun à Alépé ou encore Dano Djédjé à Gagnoa commune. La plupart d’entre eux ont été élus en 2001. Ils ont eu leur temps de gloire. Aujourd’hui, beaucoup ont perdu la notion des élections locales. Cela fait 19 ans qu’ils ont perdu la réalité du terrain. Toute chose qui peut leur être préjudiciable. Il y a également le fait que l’opposition, pour ce scrutin, n’a pu faire son unité. Une opposition fortement divisée Enfin, et c’est la dernière raison de l’inévitable débâcle annoncée de l’opposition, c’est que celle-ci a plusieurs têtes. C’est donc une opposition divisée qui va affronter le RHDP, plus que jamais unis derrière son président, Alassane Ouattara. En effet, pour le choix de ses têtes de listes, l’opposition a volé en éclat. Affi N’guessan et Danielle Boni Claverie ont claqué la porte des négociations, accusant le PDCI et EDS de vouloir accaparer toutes les têtes de listes. Chacun a donc constitué sa liste. Conséquence, là où le PDCI et EDS ont fait liste commune, ils auront en face d’eux des candidats du FPI et ses nouveaux alliés. C’est le cas de Gagnoa où respectivement MarieOdette Lorougnon (EDS) et Maurice Kakou Guikahué (PDCI) vont s’affronter. Même scénario à Port-Bouët où le maire PDCI, Sylvestre Emmou, est en lice contre un candidat aligné par l’allié EDS. Il y a aussi des cas où le PDCI, EDS et le FPI vont s’affronter. Sans surprise, le PDCI, qui a mis le paquet sur les régions du centre, pourrait connaître des difficultés du fait de divisions internes. C’est le cas de Bocanda, où le député sortant aura face à lui plusieurs candidats issus du PDCI, son parti politique. Autant de failles qui auront des conséquences graves sur le score final de l’opposition à ce scrutin du 6 mars. Le premier auquel toutes les formations politiques vont prendre part et qui mettra fin, on l’espère définitivement, au débat sur le poids réel des différentes formations politiques qui pullulent en Côte d’Ivoire. En attendant les résultats des urnes, le RHDP part très largement favori. Surtout que ce parti, contrairement aux autres, ne se limite pas dans une partie du pays. Mais plutôt couvre la totalité du territoire national.
THIERY LATT