Après 20 ans de silence, Noël Dourey signe son retour sur le marché musical avec un single intitulé «Je reviens», en prélude à la sortie de son nouvel album prévue en février 2021. Un opus concocté dans le pur style du chanteur-musicien : un savoureux mélange de blues, gospel, rock et soul. Avant la sortie de l’œuvre, ce mercredi 25 novembre, celui que ses fans appellent affectueusement « ND » a bien voulu se confier au Patriote. Avec sa bonne humeur habituelle, il parle sans détour de cet opus et interpelle les Ivoiriens sur la nécessité absolue de préserver la paix dans leur pays.
Le Patriote : 20 ans se sont écoulés entre votre précédente œuvre «Salut» sortie en 2000 et ce nouveau single intitulé «Je reviens» qui sera dans les bacs en 2020. Pourquoi avez-vous mis autant de temps pour revenir sur le marché musical ?
Noël Dourey : A la vérité, quand je suis revenu de ma longue traversée de désert, j’ai fait une introspection autour d’un certain nombre de questionnements. Ainsi, j’ai compris que les réponses me viendraient de l’Eternel, et je ne me suis pas trompé. Les réponses me sont venues de là. J’ai écumé les églises. A un moment donné, on a pensé que j’allais être chantre. J’ai fait des témoignages pour la Vierge Marie, pour le Christ Jésus. Et aujourd’hui, je suis en Jésus Christ et donc il m’a donné l’onction pour travailler.
LP : Avec cet opus, vous avez choisi de parler de paix. En quoi votre message est-il différent de ceux déjà entendus sur la paix ?
ND : La paix, c’est un état d’esprit. Aujourd’hui, on se rend compte que le monde entier court après la paix. Il n’ y a pas une seule seconde où il n’y a pas de bombe qui éclate où il n’y a pas d’attentats terroristes, de guerre, de conflits. Donc, vous comprenez que la paix, c’est une denrée qu’il faut consommer sans modération. Et donc pour ma part, je pense que c’est une contribution que j’apporte à la recherche de solution pour la paix. Parce que la paix, notre premier président (ndlr, Houphouët-Boigny) l’a dit, ce n’est pas un vain mot. On ne peut pas parler de paix quand on est hypocrite, violent, prêt à faire la bagarre. Donc ce n’est pas en vain qu’on doit prononcer ce mot. On doit le prononcer parce que nous voulons aller à la paix, nous recherchons la paix. Tout le monde doit donc parler de paix. La paix doit être un aliment à consommer sans modération par tous. Ce n’est pas la propriété de ceux qui font la politique.
LP : Justement Noël Dourey s’adresse-t-il en particulier aux hommes politiques surtout que la Côte d’Ivoire sort d’une période électorale émaillée de violences ?
ND : Non, c’est à tout le monde que je m’adresse. Est-ce le politicien qui coupe les arbres pour obstruer les voies ? Est-ce le politicien qui tire sur les cortèges des ministres ou son frère ? Non. Nous sommes les premiers concernés. Si le politicien te dit de poser un acte répréhensible, es-tu obligé de le faire, surtout que quand tu sais que cela aura des conséquences terribles ? Non, tu n’es pas obligé de le faire. Il s’agit d’une question de conscience individuelle et de responsabilité. C’est de manière individuelle que nous prenons la décision de faire la paix. C’est la conscience de chacun d’entre nous que j’interpelle dans cette chanson. Je dis en substance aux uns et aux autres que ce n’est pas parce que tu as subi le pire que tu dois faire le pire aux autres. Ce n’est pas parce que tu t’es senti frustré que tu dois promettre l’apocalypse aux autres. J’exhorte tous et chacun à faire preuve de tolérance et à s’engager résolument dans la voie de la paix. Quant aux politiques, je leur demande de ne pas se laisser emporter par l’ivresse du pouvoir. Tout le monde veut le pouvoir. Mais le pouvoir quand il est mal accompagné, il brûle et les exemples sont légion. Il y a des gens qui ont perdu le pouvoir parce qu’ils n’ont su ce qu’était le pouvoir. Le pouvoir, c’est l’onction que Dieu te donne pour diriger, apporter le bien-être, le bonheur, le progrès aux autres. Mais quand tu l’accompagnes mal, il te brûle les doigts. L’autre message essentiel que je donne, c’est un appel à la solidarité. Le président Houphouët-Boigny dont je suis un disciple ne cessait pas de répéter : « Soyons solidaires ». Le pays nous appartient à nous tous avec ses richesses. Nous avons un devoir, c’est de protéger ce pays. On a vécu une situation où le pays a été divisé en deux, voire en trois. Nous devons retenir les leçons de ce passé douloureux. Prenons le temps de nous écouter pour ne pas renouer avec les vieux démons de la division. Car, ce qui nous unit est plus fort que toutes les ambitions qui existent sur cette terre. Écoutons-nous. Quand quelqu’un dit attention, il faut l’écouter. Quand, toi aussi, tu dis attention, il faut qu’on t’écoute. C’est ça « Je reviens».
LP : Vous êtes militant du parti au pouvoir, le RHDP (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix). Pensez-vous que les opposants prêteront vraiment une oreille attentive à votre message ? Est-ce qu’ils sauront faire la différence entre le politique et l’artiste que vous êtes? ND : La paix n’a pas de parti. La paix n’a pas de couleur. C’est le message. Jésus-Christ nous dit :
«Faites ce qu’ils vous disent mais ne faites pas comme eux ». Je suis militant d’un parti. Mon parti t’énerve, ce n’est pas ça, l’essentiel. Ecoutes ce que je te dis. Le message, c’est ce que je te dis. Un homme qui n’est pas capable de discernement n’est pas un être humain, c’est un animal. La différence entre l’animal et nous, c’est le discernement.
LP : A propos, que pensez-vous du dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition amorcé la rencontre Ouattara Bédié, il y a deux semaines ( le 11 novembre 2020) ?
ND : J’encourage ce dialogue qui va, je l’espère, apaiser davantage le climat sociopolitique. Mais, je pense qu’il faut être réaliste. Je voudrais dire aux Ivoiriens que l’élection présidentielle est passée. Elle a sûrement créé beaucoup de frustrations, de mécontentements. Il y a eu des pertes en vie humaine. On ne peut plus réveiller les morts. Mais, on peut faire en sorte qu’il n’en ait est plus. Tout dépend de notre capacité à gérer notre frustration, à aller au dialogue, à comprendre les choses telles que nous les voyons. Une élection présidentielle ne doit pas être le théâtre d’affrontements entre les populations. Engageons nous tous résolument pour la paix dans ce pays, notre bien commun à tous. Nous devons mettre à profit les cinq prochaines années pour lever toutes les incompréhensions entre nous. En ce qui me concerne, durant cette période, je vais placer m’atteler à réparer les malentendus avec des gens pour avancer avec eux. C’est un cheminement que je vais proposer à ceux qui aiment Noël Dourey.
Réalisée par Y. Sangaré