Invité du Magazine du Dimanche de RTI1 le 11 septembre dernier, le directeur de la coordination des transports terrestres et des relations extérieures à la Direction générale des transports terrestres et de la circulation du ministère des Transports, Etienne Kouakou, a levé un pan de voile sur le permis à points qui sera bientôt en vigueur.
Question : Le permis à points est une innovation du ministère des transports n’est-ce pas ?
Etienne Kouakou : Effectivement c’est une innovation qui vient du décret n°2022-631 du 3 août 2022. Ce décret stipule qu’à chaque permis de conduire, il est alloué un capital de points qui diminue en fonction des infractions commises par son détenteur.
Q : Pourquoi l’urgence de cette innovation ?
EK : C’est une urgence due au fait qu’il y a une recrudescence des accidents de la circulation. Nous avons constaté que les formes habituelles de sanction des infractions qui sont commises ne suffisent pas pour amener les conducteurs à prendre conscience de la gravité de la situation. Les formes habituelles sont les amendes. Donc c’est une sanction pécuniaire.
Face à cela, le gouvernement a trouvé utile de donner une valeur quantifiable au permis de conduire qui va diminuer au fur et à mesure qu’on commet des infractions. De cette manière, nous pensons que le titulaire d’un permis de conduire prendra conscience du fait qu’à tout moment, il peut perdre son permis. Il va donc avoir une prise de conscience.
Q : Quelles sont les statistiques qui témoignent de l’ampleur de la situation ?
EK : Pour 2021, nous avons enregistré autour de 13000 accidents pour 1500 tués sur les routes. C’est énorme. En ce qui concerne les accidents de la circulation, un seul tué sur la route interpelle les autorités avec en premier le ministre des Transports. C’est donc pour nous une nécessité de réagir tout suite pour faire cesser l’hécatombe et faire décroitre la courbe des accidents de la circulation en Côte d’Ivoire.
Q : Va-t-on retirer de façon physique le permis actuel ? Sera-t-il remplacé par le permis à points?
EK : Non. On ne retirera pas le permis que nous détenons actuellement parce que la gestion des points se fait sur le volet de la copie électronique du permis de conduire. Il faut savoir que le permis que nous avons a une version électronique qui se trouve dans notre base de données. Celle-ci contient toutes les informations que nous avons sur le permis physique et même plus que cela. C’est sur cette copie électronique que nous allons affecter le capital de points pour le gérer.
Q : Quelles sont les caractéristiques de ce permis à points ?
EK : Le principe a été édicté par le décret cité précédemment qui stipule en 5 points comment on gère ce permis. Le premier point, c’est qu’il est alloué à chaque permis un capital de points. Le deuxième indique que chaque infraction commise par le conducteur fait l’objet de retrait de points. Le troisième fait cas de la possibilité pour le conducteur à qui on a retiré des points, de reconstituer son capital. Le quatrième point de ce principe, c’est qu’un permis pour lequel le capital de points est épuisé, est invalidé. Ça veut dire qu’on ne peut plus l’utiliser dans la circulation.
Q : Les usagers seront-ils renseignés sur les infractions qui entraineront le retrait des points ?
EK : Je voudrais relever que le permis à points a été instauré parce qu’on a constaté beaucoup de récidives malgré les sanctions déjà appliquées qui étaient des sanctions pécuniaires. Les amendes demeurent. Toutes les infractions commises sont sanctionnées par une amende en plus de faire l’objet de retrait de point. Les deux sanctions vont cohabiter.
Autre élément important à relever, c’est que ce sont des sanctions vidéo-verbalisées. La vidéo-verbalisation va nous permettre de relever les infractions qui sont commises par les usagers.
Q : Il n’y aura donc pas de contact direct avec l’agent verbalisateur ?
EK : Le contact pourrait s’établir avec les agents qui sont dotés de terminaux connectés à la base de données. Lorsque vous êtes flashé par la vidéo-verbalisation, on récupère votre numéro d’immatriculation et on vous notifie que vous avez commis une infraction.
Cette notification se fait de manière électronique tout comme elle peut se faire de façon physique. On peut vous envoyer un courrier ou un sms mais la voie la plus privilégiée c’est la notification électronique.
Une fois que vous recevez une notification, vous êtes au courant que vous avez perdu des points. Il y a tout suite pour vous la possibilité de commencer à espérer récupérer les points perdus. En effet, dans la reconstitution des points, il y a le volet qui dit que lorsque vous ne commettez plus d’infraction pendant un délai donné, vous avez la possibilité de récupérer automatiquement les points perdus.
Q : Quel est le délai ?
EK : Il faut commencer par dire que les points retirés sont de 2 pour certaines infractions, 3 pour d’autres, 4 pour d’autres encore et 6 pour les plus graves. Donc pour les infractions de deux et trois points, le temps pour avoir une récupération automatique des points perdus est de deux ans. Pour les infractions de 4 points, c’est trois ans. Et pour les infractions de 6 points, le délai est de 4 ans. Donc au bout de quatre ans, lorsque vous avez commis une infraction qui vous a retiré six points et que vous n’en commettez plus, vous récupérez automatiquement vos points perdus pour reconstituer votre capital. A côté de cela, il y a la possibilité de récupérer les points par la formation au cours d’un stage dans un centre agréé.
Q : Peut-on faire ce stage autant de fois qu’on le souhaite ?
EK : Non. Vous n’avez droit qu’à un seul stage par an.
Q : Le permis à points s’applique-t-il à toutes les catégories de permis ?
EK : Il s’adresse à toutes les catégories de permis en vigueur.
Q : Comment sait-on qu’on vous a retiré des points ? Pour celui qui ne le sait pas, doit-il s’adresser aux services du ministère des Transports ou il y a une adresse précise où il peut le faire ?
EK : Je voudrais préciser que chaque usager peut aller sur la plateforme pour consulter son capital points. Il y a un dispositif déjà en place pour la consultation des documents de transport. A côté de cela, il y a les contrôles. A l’occasion d’un contrôle, si on constate que votre permis est épuisé, on vous donne injonction de le déposer directement. On vous le retire si c’est un agent qui fait le contrôle. Si suite à une consultation à partir de notre base de données, on constate que votre permis est épuisé, on vous envoie une notification pour vous enjoindre d’aller le déposer dans nos services.
Q : Y aura-t-il une phase d’expérimentation avant le démarrage effectif du projet ?
EK : La première étape à l’issue du décret qui institue ce permis à points, c’est la prise d’un arrêté d’application. Cet arrêté a été pris. Quand je parle de 12 points, c’est parce qu’en atelier on a arrêté le nombre de points et les différents points prélevés en fonction des infractions. Après cet atelier, les résultats ont été remis au ministre des Transports qui, au moment opportun, décidera de l’entrée en vigueur de ce permis.
Le souhait de tous, c’est que ça aille très vite compte tenu de la recrudescence des accidents et de la récidive de beaucoup de mauvais conducteurs que très rapidement ce permis à points entre en vigueur. C’est la préoccupation du ministre.
Q : Y aura-t-il tout de même une phase explicative ?
EK : C’est ce que nous sommes en train de faire. Elle va se dérouler sur l’ensemble du territoire. C’est une communication que nous avons l’habitude de faire pour tous nos textes.
Q : Le ministre des Transports a engagé une démarche auprès des acteurs du transport pour leur adhésion au projet. Comment réagissent-ils ?
EK : Au regard de ce qui s’est passé pendant nos travaux en atelier, nous avons constaté une adhésion de l’ensemble des acteurs. Nous avons donc espoir, au regard donc de la gravité des accidents et des pertes en vie humaines sur les routes, d’avoir l’adhésion de la population.
Q : Un appel à lancer à la population sur la prochaine mise en œuvre du permis à points ?
EK : J’invite tout le monde à adhérer à cette innovation que nous apportons au permis de conduire. Je voudrais rassurer les uns et les autres que cela n’engagera aucun frais pour les usagers. Il n’y a rien à débourser. Nous agissons juste sur la copie électronique du permis de conduire.
Recueillis par Yves Kalou