Invité du journal magazine de la première chaine de la Télévision ivoirienne le dimanche dernier, l’inspecteur général et coordonnateur général au ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Adama Coulibaly, a fait le point de la rentrée scolaire 2022-2023. Il a expliqué également l’importance de l’alphabétisation et les différentes réformes entreprises par la ministre Mariatou Koné ainsi que les sanctions à l’endroit de ceux qui violent les règlements intérieurs.
Question : Comment évolue l’école ivoirienne ?
Adama Coulibaly : Je voudrais dire que l’école ivoirienne, par rapport aux objectifs majeurs prescrits par nos autorités, évolue de façon passable. Nous allons à la recherche d’une école de qualité et souhaitons que nos résultats et nos performances soient à 80 et 90% à certains niveaux. Mais nous sommes loin de cela. Vous remarquerez qu’au niveau du CEPE (Certificat d’études primaires et élémentaires), nous avons enregistré 64% à la fin cette année écoulée, 28 % au niveau du BEPC et 38% au Baccalauréat. Ces résultats indiquent clairement que nous sommes loin de nos objectifs. Nous avons besoin de travailler.
Q : Vous donnez une note passable à l’école ivoirienne. Pourquoi pas bien et très bien ?
AC: Pourquoi pas bien ? Il faut noter que les niveaux de notation sont stratifiés : passable c’est juste 10 ; 12 c’est assez bien ; 13,50, c’est assez bien également et puis à partir de 16, on parle de bien un peu plus loin très bien. Nous avons du travail à faire pour donner à l’école toute sa noblesse. Il s’agit d’un centre d’incubation où on formera les jeunes à la recherche du capital humain qui doit être productif et performant. Malheureusement lorsque vous regardez les déperditions et les taux que nous enregistrons, vous vous rendez compte que nous ne sommes pas encore dans cet objectif.
Q : Comment en est-on arrivé là ?
AC : Il y a plusieurs paramètres qui peuvent expliquer cette situation. Nous le disons et nous le répétons que l’école n’est pas un sanctuaire. L’école fait partie du microscope social. Elle est le reflet de la société. Quand vous regardez autour de vous, dans notre société, vous vous rendez compte qu’elle porte beaucoup de tares. Ces tares affectent l’école et font que nous avons des difficultés à avancer. On ne le dira jamais assez, l’homme apprend à travers trois mécanismes : l’observation, la formation et la pratique.
L’observation est un des éléments qui, naturellement, est pris en compte par nos jeunes. Ils observent les adultes pour les copier et pour se forger eux-mêmes une personnalité. Mais quand vous regardez autour de vous et que la société ne donne pas de bons signaux, vous, en tant que être mature, vous avez le sentiment que c’est ce qui est classique, c’est ce qu’il faut aborder et cela peut poser des problèmes.
En Côte d’Ivoire nous avons connu de nombreuses difficultés liées à des crises qui ont affecté le système éducatif pendant longtemps. Ces crises font que nous sommes à la recherche de nos marques. Pour la recherche de ces marques, le gouvernement fait des efforts. Et ce, pour faire en sorte que nous puissions conduire le paquebot de l’école à bon port. Les réformes que la ministre Mariatou Koné propose nous permettent de relever la tête. Notamment la réforme au niveau de la formation initiale des maîtres, au niveau des Cafop qui sont des centres où sont formés des enseignants, qui désormais durent 3 ans au lieu de deux années. Nous avons même le format de la formation qui est passée de l’aspect disciplinaire à l’aspect modulaire. Nous avons une alternance régulière entre l’aspect théorique et la formation pratique. Tout cela pour que tous ceux qui sont formés dans ces écoles soient bien outillés et capables de tenir selon les règles des démarches pédagogiques prescrites.
Q : Est-ce que tous les pays qui ont connu des crises ont des résultats comme les nôtres ?
A C : Ce qu’on peut dire, c’est que forcément les crises affectent. Tout dépend de la façon dont l’on rebondit.
Q : Est-ce que nous avons rebondi ?
AC : Bien sûr que nous sommes en train de rebondir. Justement les moyens qui nous permettent de rebondir, il y a les assises des états généraux de l’éducation nationale et de l’alphabétisation.
Q : Où en est-on avec les résultats des états généraux ?
AC : Les conclusions des états généraux ont été remises au Premier ministre Patrick Achi. Il n’ est pas loisible d’évoquer ces conclusions parce que cela relève des prérogatives du Président de la République. Qui, lorsqu’il les recevra, les enregistrera et nous donnera les différentes orientations à suivre. Ce que je peux dire, c’est que les discussions ont été très ouvertes, avec la participation de tous. C’est cet élan de solidarité autour de l’école ivoirienne que nous recherchons. Au sortir de ces états généraux, il faut que nous puissions ensemble amorcer les changements pour un redécollage de l’école ivoirienne.
Q : Quel est le point de la rentrée scolaire, deux semaines après l’ouverture des classes ?
AC : La rentrée s’est déroulée de façon classique. Nous observons que les premières semaines n’enregistrent pas une très grande affluence. Ce qui surprend dans la mesure où c’est un cycle pour lequel les informations sont données longtemps à l’avance. Les parents devraient prendre les dispositions pour faire en sorte que les enfants soient à l’école à date. Ceci pour faciliter la couverture du quantum horaire. Afin de permettre qu’ils soient exposés au temps d’exposition normale à l’enseignement, à l’apprentissage pour avoir une année bien remplie
Q : La faute incombe-t-elle aux parents qui n’inscrivent pas à temps leurs enfants ?
AC: Ce n’est pas tous les parents mais d’une façon générale, c’est ce que nous observons. A travers des missions de supervision que nous avons organisées, depuis le 12 septembre dernier, nous observons que c’est maintenant que certains enfants font leur inscription en ligne qui, pourtant, avait été lancée depuis quelques mois.
Q : Avez-vous un retour par rapport à la suppression des cotisations exceptionnelles ?
AC: Bien entendu, car nous avons déployé nos équipes et nous observons. Malheureusement dans certaines écoles, l’on continue de faire fi de ce décret à travers lequel le président de la République a bien voulu soulager les parents en faisant en sorte que ce qui était prélevé de façon exceptionnelle soit fourni par l’Etat de Côte d’Ivoire.
Q : Que faites-vous pour mettre fin définitivement à ce phénomène ?
AC : Au terme de nos contrôles, nous prenons les mesures qui s’imposent. Parce qu’un enseignant, un chef d’établissement est avant tout un fonctionnaire. Et donc il est régi par le statut général de la Fonction publique où il existe des sanctions de premier degré et de deuxième degré. Ce sont donc ces éléments que nous déclenchons pour faire en sorte que les uns et les autres reviennent à la norme. C’est très important parce que cela freine les inscriptions à l’école et cela nous empêche de couvrir le quantum horaire, d’où évidemment les résultats que nous connaissons. Il est donc important que les uns et les autres soient s’approprient le thème de l’année, en assumant entièrement leur responsabilité.
Q : L’incivisme gagne du terrain dans nos établissements. Comment combattez-vous ce fléau ?
AC : D’abord au niveau de l’enseignement, il y a l’EDAC qui est un moyen par lequel nous donnons des directives, orientations aux enfants pour les amener à se comporter de façon responsable. Il y a également l’application des règlements intérieurs. Chaque établissement est doté d’un règlement intérieur. Lequel régit la vie de l’école. Nous avons des éducateurs qui sont chargés de la mise en œuvre de l’application de ces règlements intérieurs que nous utilisons chaque fois qu’il y a des déviations ou des déviances afin de ramener à la norme. Et nous continuons la sensibilisation qui doit être du fait de tous les acteurs. Notamment les directeurs régionaux, les chefs d’établissements, les éducateurs, chacun doit pouvoir regarder le fonctionnement de l’école afin de relever ce qui ne va pas et apporter les solutions.
Q : Ce ne sont pas seulement les élèves qui sont concernés par l’incivisme…
AC : Je partage parfaitement votre point de vue parce que quand il y a des dispositions claires qui indiquent qu’il ne faut pas prélever de l’argent ou soutirer de l’argent aux autres et que vous le faites, vous vous inscrivez dans l’incivisme.
Q : Que dites-vous de la ponctualité et de l’assiduité ? On parle de départ en congé anticipé, de drogue à l’école. Nos écoles sont infectées. Que répondez-vous ?
AD : Bien entendu. Au niveau du ministère de l’Education nationale, nous avons la direction de la mutualité et des œuvres sociales qui met en place des stratégies de sensibilisation et écoute et travaille avec les élèves pour extirper ceux qui ont été frappés malheureusement par ces fléaux afin de les amener à se ressaisir. Cette direction travaille avec d’autres ministères notamment le ministère de la Sécurité dans le cadre du CILAD et d’autres dispositifs qui aident à prévoir des mesures qui atténuent de façon drastique cette dépendance de certains élèves vis-à-vis des stupéfiants, des grossesses en milieu scolaire et autres.
Q : Les parents d’élèves grognent. Les prix des manuels scolaires sont élevés. Qu’en dites-vous ?
AC : Tout à fait. Le ministère, à ce niveau, essaie d’abord d’aider les parents, à travers la distribution gratuite des kits et des manuels scolaires en ce qui concerne le primaire. S’agissant du secondaire, un projet est initié qu’on appelle la Bourse nationale de manuels scolaires, qui va être un système de prêt-location, pour permettre aux élèves de la classe de sixième (6e) de disposer au moins de huit manuels à un prix modique de 10 mille francs CFA. Qui leur permet de préparer l’année scolaire et de pouvoir avoir matière à exploiter.
Q : Quand est-ce que le mécanisme va commencer ?
AC : Ce mécanisme a été lancé au mois de mars dernier. Il est en train d’être testé par un projet pilote. Si cela s’avère concluant, il va connaitre une mise à échelle, pour permettre à l’ensemble des établissements d’en bénéficier. Cela en allant étape par étape, à savoir de la 6e à la 5e, de la 5e à la 4e, etc.
Propos retranscrits par Malaoua Bertin