Il est fort à parier que le front social en Côte d’Ivoire ne bouillonne plus. En tout cas, pas avant les cinq années à venir. Le Président de la République Alassane Ouattara qui a fait du dialogue social sa priorité a instruit son chef du gouvernement, le Premier ministre Patrick Achi, de parapher la seconde trêve sociale avec les huit organisations syndicales qui ont pris part aux différentes négociations. Cet accord jugé historique, car obtenu sans pression et pas à la suite d’une grève, a été signé hier lundi 8 août 2022 à l’auditorium de la Primature. Et ce, en présence de Patrick Achi, de la présidente du Comité interministériel (dans le cadre des négociations) la ministre de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration, Anne Désirée Ouloto, de son vice-président, Me Adama Kamara et des ministres Adama Coulibaly (Economie et Finances) et Moussa Sanogo (Budget et Portefeuille de l’Etat). Les différentes parties ont également bénéficié de l’expertise de la ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Diaspora, Kandia Camara.
Le Premier ministre Patrick Achi s’est félicité de la signature de cette nouvelle trêve sociale. « (…) C’est un grand plaisir pour moi aujourd’hui de procéder à la signature de cette trêve sociale. Après le franc succès de la cinquième phase du dialogue politique, nous signons cette deuxième phase de la trêve sociale qui est le couronnement d’intenses négociations », a indiqué le chef du gouvernement. Avant de féliciter la ministre de la Fonction publique pour son talent de négociateur. Aussi a-t-il exprimé sa reconnaissance aux différentes faitières des syndicats qui ont participé aux négociations devant aboutir à la signature de cette seconde trêve sociale. Laquelle trêve s’inscrit dans la « Côte d’Ivoire Solidaire » du Président Ouattara et qui vise à améliorer les conditions de vie des fonctionnaires et agents de l’Etat.
« La signature de cette nouvelle trêve sociale vient, une fois encore, incarner le rassemblement apaisé du pays pour bâtir collectivement un destin de progrès pour la nation. L’heureux aboutissement de nos discussions nous autorise, toutes et tous, à croire toujours plus fort dans le potentiel et le destin de notre pays, dans la capacité de nos filles et de nos fils à construire, dans un parfait élan de labeur et d’ardeur, une grande Côte d’Ivoire Solidaire, au service de tous, pour le progrès de tous, pour la fierté de tous », s’est félicité le Premier ministre. Rappelant qu’elle n’est ni un renoncement aux ambitions légitimes de progrès sociaux des travailleurs, ni la privation de l’expression naturelle des revendications syndicales, et encore moins un chèque en blanc signé par les organisations syndicales au profit du gouvernement.
Soulignant ainsi les six grandes décisions de cette nouvelle trêve sociale. Il s’agit de l’extension de l’indemnité contributive au logement à l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’Etat, parce qu’un tiers des fonctionnaires n’en bénéficient pas, la revalorisation de 20.000 FCFA par mois de l’indemnité contributive au logement pour l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’État, y compris les Forces de Défense et de Sécurité. Cette indemnité était restée inchangée depuis 1993 pour les fonctionnaires civils. A cela s’ajoute la revalorisation de la prime mensuelle de transport restée inchangée depuis 2008.
Hausse de la prime mensuelle de transport de 20.000 FCFA
Cette prime est passée de 7000 FCFA à 20.000 FCFA pour les fonctionnaires résidents à Abidjan ; et les chefs-lieux de région et de 7000 à 10.000 FCFA pour les autres localités de la Côte d’Ivoire. L’allocation familiale n’a pas été exclue. Et pour la première fois depuis 1960, elle passe de 2 500 F CFA à 7 500 F CFA par mois et par enfant (moins de seize ans) selon les modalités d’application habituelle, pour tous les fonctionnaires et agents de l’État, y compris les Forces de Défense et de Sécurité. Enfin l’instauration d’une prime spéciale annuelle appelée ‘’Prime ADO’’ par les syndicats. Représentant un tiers (1/3) du salaire de base indiciaire, elle est payée à la première quinzaine du mois de janvier de chaque année. Les retraités n’ont pas été oublies. Ceux du secteur public bénéficieront de la hausse de l’allocation familiale de 5000 F CFA par mois et par enfant. Par contre ceux du secteur privé, connaitront une hausse de 5 % sur leur pension de retraite.
A ces mesures, on note l’opérationnalisation du Comité Consultatif de la Fonction publique, prévue dans le cadre du nouveau statut général de la Fonction publique, au plus tard le 31 mars 2023. Pour ce qui est des revendications liées à la gouvernance, Patrick Achi a relevé que les ministères techniques ont été saisis pour les examiner au sein des Comités sectoriels de dialogue social. « En vue de consolider les acquis de ces négociations et d’approfondir le dialogue social dans nos administrations, il sera pris dans les prochains jours un arrêté pour instituer des Comités de Dialogue sectoriels dans tous les départements ministériels », a annoncé le chef du gouvernement ivoirien.
Toutes ces mesures pour cette nouvelle trêve sociale (2022-2027) selon le Premier ministre, représentent 227 milliards FCFA par an. Soit 1.100 milliards de FCFA pour les cinq prochaines années. Ces différentes mesures entrent en vigueur à la fin de ce mois d’août 2022. Et ce, à l’exception de la ‘’Prime spéciale ADO’’ qui sera payée à partir de janvier 2023. Quant au statut général de la Fonction publique, il sera adopté au plus tard en juin 2023.
Concernant le secteur privé, Patrick Achi a signifié que des discussions sont en cours à l’effet d’aboutir à la revalorisation du SMIG. En revanche, le Premier ministre a invité les syndicats à respecter cet accord portant trêve sociale. Il leur a demandé de tout mettre en œuvre à l’effet de travailler à l’amélioration permanente de l’administration publique ivoirienne.
Pour sa part, la ministre de la Fonction publique Anne Désirée Ouloto a rendu un vibrant hommage au chef de l’Etat Alassane Ouattara pour son merveilleux leadership et surtout pour l’oreille attentive qu’il prête aux préoccupations de ses concitoyens. Et singulièrement à celles des fonctionnaires et agents de l’Etat, pour qui, il ne lésine sur rien. Au-delà de ces différentes mesures, Anne Ouloto a fait remarquer que d’importants défis restent encore à relever. Il s’agit, a-t-elle poursuivi, de la mise en place des comités sectoriels de dialogue social dans les ministères, l’adoption du nouveau Statut général de la Fonction publique et de l’opérationnalisation du Comité Consultatif de la Fonction publique. « Je reste confiante que ces questions seront traitées dans les meilleures conditions et nous réussirons à glaner de nouvelles victoires encore plus éclatantes pour le bien-être des fonctionnaires et agents de l’Etat et pour une administration publique plus efficace et plus performante », a-t-elle rassuré. Rappelant au huit syndicats signataires de la seconde trêve sociale l’importance du maintien d’un climat social de paix. Quant au porte–parole des syndicats signataires, Soro Mamadou, il a exhorté les fonctionnaires à mériter ces acquis. Et ce, à travers leur assiduité au travail et la lutte contre la corruption dans l’administration publique. Pour mémoire, la première trêve sociale (2017 -2022) a coûté plus de 357 milliards de FCFA à l’Etat.
Anzoumana Cissé