Depuis l’invalidation de sa candidature, jugée irrecevable en raison de la perte de ses droits civiques suite à sa condamnation à 20 ans d’emprisonnement ferme pour « recel de détournement de deniers publics » et « blanchiment de capitaux », par le Conseil constitutionnel, Guillaume Soro ne cesse de crier sur tous les toits. Trois jours à peine après cette décision rendue le lundi 14 septembre dernier, l’ancien Premier ministre, au cours d’une conférence de presse, a appelé l’opposition ivoirienne à « faire bloc » contre le président Alassane Ouattara. Pour exiger et obtenir son retrait du scrutin et des « élections transparentes»
Faut-il le rappeler, si Soro est, lui, hors course, ce n’est, en revanche, pas le cas du président du Pdci, Henri Konan Bédié et celui du Fpi, Pascal Affi N’guessan dont les candidatures ont été validées. Et qui, sauf revirement spectaculaire, sont aujourd’hui disposés à participer à l’élection du 31 octobre prochain. Comme en témoigne leur soulagement après l’annonce de la liste définitive des candidats, il y a une semaine. Dans un premier tweet, Bédié s’était réjoui de la décision du Conseil constitutionnel avant de trouver la nécessité de marquer sa solidarité, hypocrite du reste, avec les candidats recalés. Quant à Affi, il chargeait Bédié, dans une déclaration se positionnant comme un adversaire à lui. Même si ces deux personnalités ont accueilli favorablement l’appel de Guillaume Soro, il convient de s’interroger si cela n’est pas qu’un vœu pieux. Comment, en effet, est-ce possible qu’une opposition aussi si disparate mue par la haine, par un désir de vengeance et aux intérêts si divergents, puisse vraiment s’unir, encore moins former un bloc homogène ? Fondamentalement, rien n’allie ces opposants : ni l’idéologie, ni la vision politique, si ce n’est leur haine viscérale pour Alassane Ouattara. Quand on n’a pas été capable de se regrouper au sein d’une plateforme crédible et surtout de s’entendre sur une candidature unique face au champion du RHDP, c’est trop facile de prétendre s’unir aussi facilement par de simples déclarations, comme nos opposants veulent le faire croire. En Bolivie, par exemple, la présidente par intérim Jeannine Anez vient de renoncer à être candidate à l’élection présidentielle prévue le 18 octobre prochain. Sa décision, elle l’a expliqué dans un message télévisé, est guidée par sa volonté d’empêcher une victoire du candidat de la gauche Luis Arce, dauphin de l’ancien président Evo Morales. Elle n’a pas voulu prendre le risque « de voir le vote démocratique divisé entre plusieurs candidats et qu’à la suite de cette division, le MAS [Mouvement pour le socialisme, dirigé par Morales] finisse par remporter les élections». L’opposition ivoirienne est-elle vraiment capable d’un tel sacrifice ? Assurément non, parce qu’elle est tout simplement minée par ses contradictions internes, ses querelles intestines et les appétits présidentiels démesurés de ses leaders. Tous lorgnent avec la même voracité le fauteuil présidentiel. Et personne n’est prêt à se sacrifier pour l’autre. A travers ses déclarations à l’emporte-pièce, ils ne se livrent ni plus ni moins qu’à un jeu de dupes. En réalité, chaque opposant prêche malicieusement pour sa chapelle. Si Guillaume Soro s’agite tant, c’est pour revenir dans le jeu électoral et briguer la magistrature suprême du pays. Et le meilleur moyen, à ses yeux, d’y parvenir, c’est de bloquer le processus électoral en cours. En se faisant passer, naturellement pour celui qui tient le glaive entre les dents, menaçant et intimidant les tenants du pouvoir. Si Bédié a claqué avec fracas la porte du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), s’est taillé sur mesure le costume du candidat du PDCI en prenant soin sournoisement d’écarter toute adversité, ce n’est pas pour être à la remorque d’un autre candidat de l’opposition, fut-il d’un consensus. D’ailleurs, le vieil homme, qui livre, vraisemblablement son dernier combat, manifestement celui de trop, n’a jamais fait mystère de son désir de redevenir président de la République, après sa gestion chaotique du pouvoir entre décembre 1993 et décembre 1999. Alors qu’il semble parrainer l’appel à la désobéissance civile, une pratique surannée que des opposants ont tenté au Cameroun, au Congo ou en Guinée, Bédié devrait donner l’exemple en renonçant formellement à aller aux élections. Pourquoi ne retire-t-il pas sa candidature ? C’est pourtant la décision la plus simple à prendre. Ainsi, l’opinion sera réellement édifiée sur ses propos concernant la sincérité du scrutin. Que dire des deux tendances du FPI, pro-Affi et pro-Gbagbo ? Ils nourrissent, on le sait tous, le secret espoir de reprendre les rênes du pays. Et si les frontistes, Affi y compris, se radicalisent, ce n’est pas pour les beaux yeux de Bédié, encore moins Soro dont ils n’ont pas digéré la « trahison» en 2010. Ils prêchent pour leurs propres chapelles. C’est donc une opposition que tout oppose, qui rêve de faire l’unité contre Alassane Ouattara. Un projet, de toute évidence, chimérique, qui ne repose sur aucune conviction
PAR CHARLES SANGA