Après une année 2020 particulièrement difficile du fait de la pandémie de Covid-19 et des violences postélectorales, la Côte d’Ivoire a entamé 2021, nourrissant le secret espoir que cette nouvelle année offre plus d’accalmie et de sérénité. Alors que les spécialistes redoutent les marques, dans nos pays, de la variante du Covid-19 découverte en Europe, le front social se signale. A l’origine de cette agitation, qui plonge les populations dans une anxiété qui ne dit pas son nom, les bruits autour de supposées augmentations de certains produits, notamment ceux de grande consommation.
Le premier à allumer la mèche, c’est le président de la Fédération des boulangers et pâtissiers de Côte d’Ivoire. Marius Adjoué Abé a annoncé une hausse du prix de la baguette de pain de 150 FCFA à …350 FCFA, soit plus de 100% d’augmentation. La nouvelle a suscité chez certains Ivoiriens une grosse anxiété et la colère chez d’autres. Faut-il le rappeler, le pain, produit de très grande consommation, est prisé par la quasi-totalité des familles de Côte d’Ivoire. Si cette augmentation s’avérait, il deviendrait, disons-le clairement, inaccessible pour beaucoup. Et cela pourrait provoquer une révolte, comme au Soudan. Dans ce pays, grand consommateur de blé, les importations céréalières avaient été confiées au secteur privé après l’abandon de subventions publiques dans le cadre de mesures d’austérités recommandées par le FMI, en 2017. Cela a automatiquement entraîné une augmentation du prix du pain. Les Soudanais sont descendus dans la rue pour dénoncer la décision de tripler le prix du pain. Les manifestations, très vite, se sont transformées en un mouvement de contestation qui a fini par emporter le régime du président Omar Béchir. Heureusement, pour notre pays, le ministère du Commerce et de l’Industrie est vite monté au créneau pour désamorcer cette bombe, au terme d’âpres négociations avec les opérateurs du secteur. Résultat, le prix du pain reste inchangé. De même, les négociations ont réussi à annuler la hausse d’environ 17% du prix au détail de l’huile de palme, qui avait pris l’ascenseur. Ainsi, d’après les chiffres du Secrétariat exécutif du Conseil national de lutte contre la vie chère (CNLVC), le prix du bidon d’huile de 24 litres avait grimpé de 20 000 à 24 500 FCFA ; celui du bidon de 20 litres, de 16 000 à 19 500 FCFA et la bouteille de 1,5 litre de 1 450 à 1 700 FCFA. Toute chose qui a suscité une profonde inquiétude dans les ménages. Aujourd’hui, ces nouveaux prix, du reste, très élevés, ont refait place aux anciens. Une autre action salutaire accueillie avec soulagement par les consommateurs. Ces deux initiatives sont l’exemple édifiant du rôle que doit jouer l’Etat et les pouvoirs publics : œuvrer pour la défense des intérêts des populations. Celles-ci ont déjà été éprouvées, durant les douze derniers mois. Avec les restrictions liées à la lutte contre la propagation du Covid-19 et le climat de terreur, provoqué par l’opposition politique, les activités économiques ont considérablement tourné au ralenti. Conséquence : tous les ménages, pour la majorité, souffrent pour joindre les deux bouts. Certains chefs de famille ont perdu leur emploi, quand d’autres ont vu leur business décroitre. De même, de nombreuses entreprises ont eu des soucis énormes pour faire face à leurs charges. Certes, l’Etat a aussi perdu gros avec l’amenuisement considérable de ses recettes et la baisse des investissements du fait de cette situation difficile, mais il lui appartient de faire en sorte de ne pas laisser créer une révolte sociale, qui pourrait provoquer le chaos. Ne dit-on pas que « ventre affamé n’a point d’oreilles » ? L’Etat doit donc tout mettre en œuvre pour réguler les prix des produits de grande consommation notamment le pain, les produits laitiers, l’huile et même le riz… Cela passe par un dialogue franc et permanent avec les opérateurs du commerce. L’ancien président français, Jacques Chirac disait que « L’Etat doit être un garant et non un gérant. » L’une de ses missions doit donc être de garantir le bien-être des citoyens, tout en évitant au maximum les foyers d’incendie. C’est pourquoi, il faut saluer, à sa juste valeur, la récente sortie du directeur général des impôts, Ouattara Sié Abou, qui a eu le mérite d’éteindre la polémique autour de la supposée augmentation de la TVA sur le lait infantile et les produits destinés aux préparations alimentaires pour nourrissons. Aussi, dans le cadre de la politique sociale du gouvernement à l’effet d’amener bon nombre de ménages à acquérir ces produits, l’annexe fiscale 2021 a-t-elle aligné leur taux d’imposition à la TVA sur celui du lait infantile, à savoir 9% contrairement au taux de droit commun de 18%, auxquels ils étaient assujettis conformément à la directive n°02/2009 de l’UEMOA. « Il est totalement inexact de dire que la mesure vise à affamer les nourrissons en faisant passer le taux de 0% à 9% », avait-il martelé, jeudi 14 janvier dernier au cours d’un petitdéjeuner de presse au Plateau. Contrairement donc à cette rumeur, qui vise à provoquer le courroux des populations, l’annexe fiscale 2021 n’institue pas l’assujettissement du lait infantile à la TVA. Voilà en substance, ce que l’on attend d’un « Etat garant » et d’un gouvernement qui se soucie du pouvoir d’achat des populations : faire des efforts pour atténuer leurs souffrances et rétablir la vérité quand il le faut, pour ne pas laisser le mensonge polluer les esprits. Ces deux actes peuvent fortement contribuer à apaiser le climat social. Gage indéniablement de la marche du pays vers le développement.
PAR CHARLES SANGA