C’est désormais officiel. MGC (Mouvement Générations Capables) de Simone Ehivet Gbagbo va se muer en parti politique. Marie-Claude Kraidy, coordinatrice nationale de cette organisation jusque-là quelque peu nuageuse sur ses vraies intentions, en a fait l’annonce le jeudi 11 août 2022, lors d’une conférence de presse tenue à cet effet. Une assemblée générale éclatée qui décidera du nouveau statut de ce mouvement est prévue les 19 et 20 août 2022. Le faisant, l’ex-première dame confirme ce que prédisaient beaucoup d’observateurs qui voyaient en la naissance du MGC le prélude à la création de sa propre formation politique, avec comme objectif majeur, une éventuelle candidature à l’élection présidentielle de 2025.
Il faut rappeler que le MGC est à l’origine un regroupement de femmes « indignées ». Il est en effet composé majoritairement de femmes qui ont pris fait et cause pour l’ex-première dame suite à son humiliation par Laurent Gbagbo et son entourage lors du retour en Côte d’Ivoire de l’ancien prisonnier de Scheveningen, à la Haye où il était dans les griffes de la justice internationale. Une participante à cette conférence de presse l’avait du reste rappelé, le 25 septembre dernier, au Palais des Sports, lors de l’assemblée constitutive. « Face aux insultes, aux campagnes de dénigrement, outrages et autres invectives proférés et répandus dans la presse et sur les réseaux sociaux contre l’ex-Première dame Simone Ehivet Gbagbo, ces femmes, indignées, ont manifesté leur solidarité en prenant courageusement position pour la défendre et faire reluire son image que des personnes tapies dans l’ombre pour des desseins malsains, voulaient voir souillée et dégradée», avait-elle précisé. Si ces femmes vivaient très mal les attaques contre leur idole par des pro-Gbagbo, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de cette amertume, c’est bien la décision unilatérale prise par le natif de Gagnoa d’intenter une procédure en divorce contre son épouse sans y mettre la moindre élégance. Comme si près de quarante années de vie conjugale et de lutte politique ne nécessitaient pas une démarche plus amiable et plus respectueuse de la part de Laurent Gbagbo. Le courroux des femmes était donc à la mesure du préjudice moral, sentimental voire psychologique subi par l’ancienne députée d’Abobo. On comprend donc que de nombreux mouvements nés de cette situation se soient donné rendez-vous lors de l’Assemblée générale constitutive pour crier haro sur le baudet. Pour dire trop, c’est trop ! On pouvait citer parmi la flopée de groupements pro-Simone (ou anti-Gbagbo, c’est selon), le « Mouvement international Ehivet capable » d’Ebène Bouaney ; « Les enfants de Simone Ehivet Gbagbo » de Maman Antoinette Meho ; « Les Femmes dynamiques de Niangon » de Mme Odette Tiémélé ; « Les Femmes crédibles de Port-Bouet » de Mme Bénédicte Niamien ; « Les Filles de O’Man » de Josette Mireille Gouaméné; « Les Femmes capables de Bonoua » d’Odette Ekra ; « Simone Ehivet Gbagbo, notre Modèle », etc.
Près d’un an après sa mise en place, le MGC va opérer sa mue en se jetant dans l’arène politique, à la conquête du pouvoir d’Etat. « La dynamique de mobilisation en moins d’une année d’existence du MGC est telle que les militants ont été amenés à réajuster les textes fondamentaux pour en faire un parti politique à part entière. Ces militants décident ainsi de se doter d’un instrument de conquête de pouvoir d’Etat », a développé Marie-Claude Kraidy lors de cette conférence.
Ainsi donc, Simone Gbagbo va se retrouver dans l’arène politique avec Laurent Gbagbo. Et cette fois-ci non pas comme les partenaires voire les complices que le couple a été pendant de longues années, mais comme des adversaires dont les éventuelles confrontations dans l’arène politique pourraient faire des étincelles. Vu le degré de ressentiments accumulés par l’ex-première dame qui voudra laver l’affront de l’opprobre ainsi jeté sur elle par celui qui reste encore son époux aux yeux de la loi. Nul besoin donc d’affirmer que la bataille sera sans merci. La revanche de la native de Moossou sera d’autant plus farouche qu’elle sait très bien que Laurent Gbagbo, depuis La Haye, a volontairement ourdi un plan machiavélique pour effacer de l’histoire du FPI, de la lutte de ce parti pour la conquête et l’exercice du pouvoir, son nom en tant que co-fondatrice, depuis la clandestinité en 1982 et haute dirigeante depuis l’avènement du multipartisme, en 1990. Elle a clairement conscience que tout a été manigancé par Gbagbo et les caudataires qui l’entourent pour faire d’elle une « parenthèse négligeable » du front populaire ivoirien.
En tout cas, une chose est certaine. Si un parti sur la scène politique devrait craindre l’arrivée de ce nouveau protagoniste, c’est bien celui de Laurent Gbagbo, qui, on peut aisément l’imaginer, doit éprouver de sérieuses inquiétudes. L’arrivée de Simone Gbagbo dans le marigot politique éburnéen risque pour ainsi dire de faire des vagues au sein d’une jeune formation, le PPA-CI, qui a déjà du mal à véritablement décoller, à cause des conflits intestins de leadership. Notamment entre la vieille garde d’apparatchiks qui murmurent encore à l’oreille du vieux leader et la nouvelle génération dont les dents longues à souhait commencent à se découvrir. Des lignes pourraient vraisemblablement bouger, qui devraient faire l’affaire de Simone Gbagbo. Car dans la confusion qui pourrait s’installer, elle pourra recruter abondamment dans le camp de ceux qui hésitent encore – et ils sont nombreux – à adhérer pleinement au projet de Gbagbo à qui ils reprochent d’avoir abandonné le FPI pour l’aventure hypothétique du PPA-CI. Une saignée qui ne pourra que donner raison à ceux qui ont déjà quitté le navire dès les premières inconséquences de Gbagbo, au lendemain de son retour au pays.
Pour Simone Gbagbo, le défi reste tout de même de taille. Parce que même si elle est reconnue comme une stratège et une femme politique courageuse, force est de reconnaitre qu’elle a longtemps évolué dans le sillage de son époux avec qui ils ont formé un tandem redoutable. Libérée politiquement à présent de ce dernier, c’est sûr qu’elle voudra s’affirmer et prouver aux yeux de tous qu’elle est une femme « capable » de faire son nid toute seule comme semblent l’indiquer ses filleuls du MGC. Mais, y parviendra-t-elle ?
Rahoul Sainfort