Depuis quelque temps, un débat anime, que dis-je, monopolise l’actualité nationale. En fait, depuis l’introduction de la proposition de loi à l’Hémicycle par l’audacieux Député Sangaré, tout le monde semble se réveiller subitement. Des féministes les plus engagés aux misogynies les plus acharnés, la Côte d’Ivoire est debout. Au regard de cette animation, on peut dire que la question relative à la polygamie est une brûlante actualité.
Les féministes et évolutionnistes occasionnels se montrent scandalisés par une telle proposition. Tout le monde en savait quelque chose, la question brûlait toutes les langues, mais personne n’osait en parler. Et pourquoi ? En réalité, le téméraire Député Sangaré a dit haut, ce que la majorité du commun des Ivoiriens pense tout bas. Chacun se taisait, avalant son vœu, frileusement, avec une frousse indicible. Sommes-nous donc tous des froussards ?
En fait, pour entrer dans le débat, si l’on veut se départir des jeux de mots, on pourrait dire que le terme « POLYGAME » utilisé dans notre jargon est un abus de langage ; car en fait, il désigne un homme qui épouse plusieurs femmes si l’on prend en compte le terme « poly » qui signifie plusieurs. Par ailleurs, si l’on considère que « plusieurs » signifie 1 +1, » donc à partir de deux (2), sur cette base, celui qui a deux (2) épouses ou celle qui a deux (2) époux peut être considéré comme polygame. Ici donc, si on ignore les termes POLYANDRIE et POLYGENIE qui sont des termes qui désignent étymologiquement la femme qui épouse plusieurs hommes et l’homme qui épouse plusieurs femmes, on peut parler de polygamie sinon, logiquement, dans la société actuelle, ce que réclame le Député Sangaré, c’est plutôt la bigamie, la trigamie ou la qua trigamie, pas plus et non la polygamie. Elle est du reste optionnelle.
Maintenant, ayons le courage dans ce pays de nous départir de nos idées reçues et apprécions l’évolution de nos sociétés africaines et celles du monde. On pourrait alors faire une analyse et donc une appréciation relativement objective de notre vie et donc tenir compte de notre culture ancestrale, mais surtout de la réalité du terrain. En réalité, seule une telle démarche consciente de nos particularités culturelles et coutumières pourrait nous mettre en harmonie avec les mutations de notre vécu quotidien.
En effet, pourquoi parle – t – on de nos jours du droit des minorités en Occident ? Pourtant, il y a vingt (20) ans, trente (30), parler d’homosexualité était une abomination. Les Ecritures Saintes parlent de SODOME et GOMORE, pour montrer le courroux du Ciel face à ce sacrilège. Cette tendance homosexuelle n’était ni plus ni moins qu’une déviation morale voire spirituelle, une bestialité sans non. Mais de nos jours, fustiger l’homosexualité est devenu une abomination en Occident. Cela signifie que ce continent a eu le courage d’assumer son histoire, son passé ancestral. En fait, l’Occident a compris que malgré la modernité, ce qui était alors considéré comme une déshumanisation de l’Homme par le sexe commence à devenir une tendance normale et les populations de cette tendance augmentent. Même si elle est minoritaire, l’Occident a pris l’option de préserver leurs droits. Ainsi, un homme, en possession de toutes ses facultés masculines peut épouser un autre homme possédant le même membre viril que lui, le PHALLUS. C’est le choc des phallus.
Dans la même logique, une APHRODITE peut en épouser une autre, normalement et cela ne gêne aucunement ni le législateur occidental, ni le Clergé de certains pays occidentaux.
Quelles sont les réalités de nos sociétés africaines depuis nos indépendances ? Nous avons non seulement rejeté nos cultures et coutumes, nous avons épousé socialement, matériellement, économiquement, moralement et même spirituellement les pensées et philosophies occidentales donc étrangères. Comme le disait un poète négro-africain, « pour se montrer civiliser, le nègre doit déposer à la porte de l’Eglise, ses croyances et ses dieux ». Pourtant, ces pensées tranchent avec Notre Culture Ancestrale. Nous sommes enfermés dans un mimétisme qui tend à faire croire que tout ce qui vient de l’extérieur est bon et tout ce qui est de chez nous est à jeter à la poubelle. Mêmes nos langues en ont fait les frais.
La réalité est que nombre de personnes masculines vivent un poly amour consensuel et durable au vu et su de tous et cela ne gêne personne. Comment comprendre qu’un homme puisse vive avec une femme, lui fasse des enfants en cachette ? Qui, dans ce pays, quel homme peut lever la main pour attester qu’il n’a pas de maîtresse ? Tous les cadres de ce pays et même d’Afrique entretiennent régulièrement une, deux, trois voire quatre ou cinq maitresses. La nouvelle appellation, péjorative, de ces femmes est « tchiza ; » comme pour dévaloriser ce type de femme dans cette relation.
Elles sont nombreuses les femmes de renom, PCA, DG, ministres, hauts cadres de l’administration publique ou du secteur privé, enseignants de rang A dans nos universités, magistrats qui vivent « maritalement » avec un homme en secondes noces mais cachées, ou non reconnues officiellement.
Certaines assument d’ailleurs sans complexe ces relations dites hors mariage car mariées coutumièrement et religieusement. Elles se disent en harmonie avec Dieu.
C’est ce groupe de femmes, modestes et de renoms, que le Député Sangaré voudrait libérer par cette proposition de loi.
En fait, c’est une vaste hypocrisie constatée parce que tout le monde voit les dégâts sociaux, mais à cause des lois importées qui nous complexent terriblement, nous voulons diaboliser cette pratique généralisée. On fait la politique de l’autruche. Celui-là même qui vient à la télévision, pour clamer haut et fort son opposition à la polygamie, ira retrouver immédiatement sa maitresse, que dis-je, sa Tchiza, au sortir du plateau télé. Pourquoi veut-on casser le thermomètre pour ne pas voir la montée de la température ? Pourquoi ne voulons-nous pas assumer les pratiques de notre histoire et de notre société en gestation ? Pourquoi ne voulons-nous pas courageusement assumer ce que nous pratiquons régulièrement ?
Certaines femmes dites leaders veulent cacher le soleil de cette réalité avec la main en se retranchant derrière la loi. Pourtant, les dépositaires, les gardiens de nos loi actuelles sont dans le filet du poly amour ou ils vivent des relations amoureuses, intimes durables avec au moins deux (2) partenaires en parallèles de façon consensuelle, franche et assumée, mais non codifiées. Pourquoi ne pas codifier ce qui est consommé depuis dix (10), quinze (15), vingt (20) voire trente (30) ans ?
Pourtant la même loi qui ne reconnait pas pour le moment, ce poly amour, cette relation dite extra-conjugale, accepte la progéniture issue de ces unions non codifiées.
Quel paradoxe ! C’est le paradoxe de vouloir adorer la succulence des fruits d’un arbre et de haïr l’arbre producteur desdits fruits si délicieux.
Légaliser la polygamie, certaines femmes diraient que c’est de l’hypocrisie ; car selon elles, deux (2) femmes ne peuvent pas vivre dans un même foyer, un homme ne peut aimer deux (2) femmes de la même manière. Soit ! Mais pourquoi des femmes de ce pays et d’Afrique vivent-elles avec d’autres épouses dans le même foyer en tchiza cachées, alors qu’elles savaient belle et bien que l’homme avec qui elles vivent aujourd’hui, était bien marié civilement, avant qu’elles ne rentrent dans ledit foyer ?
Remplaçons donc la petite hypocrisie par une plus grande hypocrisie car elle parait plus consensuelle. La population du poly amour augmentant, pourquoi ne pas en tenir compte dans nos lois pour un équilibre social ? C’est du reste la nature et l’origine des lois.
Justement, c’est parce que le législateur a fait un constat généralisé dans notre société qu’il lui a plu de légiférer et reconnaître légalement un enfant dit né hors mariage. Cela devient donc UN CONTRAT SOCIAL ! Ainsi va la vie dans les Républiques qui se respectent et qui sont à l’écoute des aspirations profondes de leurs peuples. Un constat généralisé de comportement et de préoccupations profondes est fait et il se codifie et donc se transforme en loi par le législateur.
Une injustice est avérée, repérée et récurrente est faite, elle se codifie également par des textes de loi. Il en est de même pour des préventions par rapport à tel ou tel aspect de la vie en société. Pour paraphraser le philosophe, on dira que le plus fort n’est jamais assez fort s’il ne transforme l’obéissance à lui en Devoir, et le respect de la hiérarchie en Droit.
Sinon, au nom de quelle logique humaine, un homme, dit magistrat, peut-il se targuer de juger un autre homme, né comme lui-même, d’une femme et d’un homme ? Quel Droit lui donne cette force sinon celui que lui confère le CONTRAT SOCIAL. C’est justement ce CONTRAT qui établit les liens hiérarchiques, liens qui codifient la société et donc la République. Dans le CONTRAT SOCIAL, un homme, en possession de ses facultés, juge un autre homme en possession de ses facultés, jusqu’à ce que sa culpabilité soit prouvée.
Dans le respect du CONTRAT SOCIAL, si les parlementaires dans leur ensemble légifèrent que ce que l’on appelle abusivement POLYGAMIE est un CONTRAT entre les hommes et les femmes de ce pays soit une LOI, ce pacte sera scellé, jusqu’à ce qu’une nouvelle loi vienne dégommer l’existante. Il en fut de même quand les lois coloniales sont venues dégommer les mariages traditionnels et coutumiers contractés pendant la période précoloniale.
Rappelons à toutes fins utiles que dans l’Occident médiévale ou antique, l’homosexualité était punie soit par pendaison, soit d’être brûlé vif, soit par une exécution pure et simple ; car ses pratiquants étaient considérés comme des parias qu’il fallait extirper de la société humaine. Aujourd’hui, cette pratique est devenue un droit dit des minorités.
Par ailleurs, qu’est-ce qui est plus immoral ou amoral ? Quel ordre voulons-nous en fait ? Un désordre social ou un homme peut faire commerce avec une ou plusieurs femmes, lui donner ou leur donner une flopée de progénitures et s’en défaire quand il veut et comme il veut, sans être inquiété parce qu’il est fort et fortuné, ou plutôt un désordre bien codifié ou un homme peut épouser deux (2), trois (3) femmes, leur faire des enfants dans un cadre familial bien établi et connu de tous ? Une société de poly amour incontrôlé et immoral ou une polygamie légalisée car codifié et respectant les règles élémentaires de la morale sociale et humaine? Ici donc, ne faut-il pas corriger un vide juridique ? Doit-on continuer de renier une réalité qui se généralise partout en Côte d’Ivoire et en Afrique ? Devons-nous ignorer que la racine spirituelle de l’Humain est Polygamique ? Tous les prophètes n’ont-ils par été polygames ? Les Hommes que Dieu Lui-même, dans sa miséricorde a choisi, les prophètes, messager et envoyés, ont tous été des polygames ! Ce choix obéit à la logique selon laquelle la polygamie est un outil d’équilibre social et humain. Dans cette même veine, on retient que le droit, par définition, consacre la liberté de choix. Au nom de quelle logique, dans un pays Laïque, les Lois imposent la monogamie à tous les citoyens, mêmes ceux dont la confession religieuse permet la polygamie ?
Comme nous le disions plus haut, il y a des hommes qui, naturellement et on ne sait pour quelle raison, ont une haine viscérale pour la femme. Pour eux, la Femme est perverse congénitalement. Elle est prête à conduire l’homme en enfer. Elle est terriblement matérialiste et ne jure que par l’argent qu’elle peut soutirer à l’homme. Ce sont les MISOGYNES. A l’inverse, il y a les MISANDRES. Il s’agit ici des femmes qui manifestent une hostilité spontanée et systématique à l’égard de l’homme. Celui-ci serait la source de tous ses déboires féminins.
Elles ont une forte tendance à haïr l’homme, elle le déteste, l’abhorre, l’accuse de tous les péchés d’Israël. Pour elle, l’homme ne prend la femme que pour un objet de jouissance gratuite. L’homme n’aurait aucun projet social sinon le plaisir jouissif. Ils sont des menteurs, les hommes, tous, pour assouvir leurs désirs charnels.
On voit bien que d’un côté comme de l’autre, cette catégorie d’homme et de femme existe dans notre pays. D’un côté comme de l’autre également, cette catégorie d’homme et de femme n’est jamais été stable socialement. Elle ne peut jamais fonder un foyer stable. Elle ne s’accommode de rien. Généralement, elle devient vielle dans le célibat car elle est d’une susceptibilité à fleur de peau, elle est rancunière voire paranoïaque. Elle voit le mal toujours chez l’autre, le sexe opposé, et jamais ne se remet en cause. Ici donc, avec cette catégorie d’homme et de femme, le constat est que les positions sont tranchées, et donc le débat sur la polygamie peut être biaisé car il devient plus personnel, plus psychologique que social. Dans son analyse, on projette dans la société ses propres lubies, son propre égo, son orgueil, son incapacité à s’adapter ; à être stable, même dans foyer monogame.
Pourtant, l’analyse sociétale de notre vie quotidienne devrait nous amener à prendre courageusement notre destin en main et de nous sublimer. De nous départir de notre Misogynie et de notre Misandrie ou ce que quelqu’un appellerait MISOPHALLUS.
Si l’on se débarrasse des stéréotypes que l’on colle à chaque sexe opposé, on verrait une vie sociale très loin de notre prisme déformant de l’Autre, d’AUTRUI comme enfer.
De notre point de vue, si l’on faisait une analyse objective de notre société en mutation, on verrait ce que la régulation de cette société doit être, et cela en harmonie avec notre culture, nos valeurs cardinales, notre philosophie sociale et notre morale surtout. Enfin, tout cela devrait nous aider à équilibrer notre quotidien tout en ne tranchant pas avec la modernité qui ne signifie pas négation d’une culture. Il faut être conforme avec la réalité sociétale qui se généralise, malgré nos confessions religieuses. La racine religieuse et spirituelle de l’humain n’est-elle pas la POLYGAMIE.
ENSEIGNANT CHERCHEUR
SOURAKA BONZON
Les députés ivoiriens vont bientôt examiner la proposition de loi sur la polygamie … présentée par le député Sangaré Yacouba de Koumassi