Entre deux visites de courtoisie, Adama Bictogo, nouveau président de l’Assemblée nationale, s’est prêté aux questions de France 24. Il explique les raisons du consensus qui a été fait autour de sa personne. Tout en souhaitant que ce nouvel esprit continue d’animer les hommes politiques ivoiriens.
Question : Le 7 juin, vous avez été élu à la tête de l’Assemblée nationale de façon, presque inhabituelle, parce qu’avec le soutien de l’opposition. On sait que ça a été rarement le cas dans la politique ivoirienne. Que s’est-il passé ?
Adama Bictogo : Merci. Je vais profiter de l’opportunité que vous m’offrez pour exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance au Président Alassane Ouattara qui m’a désigné comme candidat du RHDP et qui m’a donc permis d’être candidat à l’élection de la présidence de l’Assemblée nationale. Je voudrais prolonger ces remerciements au président Henri Konan Bédié du PDCI, Laurent Gbagbo du PPA-CI qui ont été les mandants des différents groupes parlementaires PDCI et PPA-CI. Je n’oublie pas le président Albert Mabri Toikeusse dans ces remerciements. Je voudrais situer le contexte. Nous sortons d’un contexte apaisé. Nous sortons d’un dialogue politique où les différents partis ont su poser les fondamentaux de la convergence qui doit nous amener à la paix, au renforcement de la cohésion sociale. Il faut aussi ajouter que pendant un an et demi, nous avons su créer la famille parlementaire. Nous avons su développer des relations avec pour objectif de pouvoir aller au-delà des chapelles politiques, de revenir à un esprit fraternel, de maintenir le débat, le débat contradictoire dans un climat apaisé, dans un environnement apaisé. C’est ce que nous avons fait. C’est vrai que je me suis présenté comme le candidat du consensus, il faut ajouter que je suis la continuité des conséquences des différentes tractations qui ont lieu depuis quelques mois de différentes postures et positions qui ont évolué depuis quelques mois. On le voit, tout dernièrement Charles Blé Goudé a reçu son passeport. On peut noter que depuis son retour, le président Laurent Gbagbo évolue librement à travers la Côte d’Ivoire. Il voyage, il revient. Le Président Bédié entretient de bonnes relations avec le Président Alassane Ouattara. Je considère que c’est tout un ensemble d’éléments qui ont permis à l’opposition d’être rassurée et de pouvoir aisément opter pour mon élection à la présidence de l’Assemblée nationale.
Q : Vous voulez dire que ce n’est pas un hasard, un accident mais plutôt le fruit d’un travail, de tractations au plus haut niveau, on imagine entre Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié. Ce sont eux qui ont donné le feu vert à ce vote à l’unanimité ?
AB : Il y a eu deux composantes. Il y a ce que les représentants de ces mandants et nous avons su créer à l’Assemblée nationale. Il faut noter que les présidents Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont une relation apaisée. Cela a favorisé les bonnes relations que nous entretenons entre nous députés. L’Assemblée nationale comprend tous les acteurs politiques clés de notre pays. Le secrétaire exécutif en chef du PDCI, Maurice Kakou Guikahué, est député. Moi-même, je suis secrétaire exécutif du RHDP. Le président exécutif du PPA-CI, Oulaye Hubert, siège à l’Assemblée, Mabri Toikeusse de l’UDPCI également. Tout comme le président Affi N’guessan du FPI. Ce sont ces acteurs qui ont décidé ensemble de dire : « Nous avons tout connu en Côte d’Ivoire. La rébellion, les violences, les marches, mais à la fin, nous avons terminé par le dialogue. Dorénavant pourquoi ne pas commencer par le dialogue pour aboutir au renforcement de la cohésion sociale dans le but de renforcer la construction de notre nation».
Q : On pose la question depuis quelques semaines d’une possible rencontre à trois, entre Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Est-ce que ça va se faire ? Si oui quand ?
AB : Je voudrais dire que lors du dialogue politique, nous l’avons souhaité. Les acteurs qui sont au dialogue politique, sont les mêmes à l’Assemblée nationale. Nous avons souhaité cette rencontre. Et nous pensons avoir eu des échos favorables. Nous attendons de voir. C’est d’ailleurs une volonté affichée par le président de la République. Je me souviens encore qu’au mois de juillet 2021, lorsqu’il recevait le président Laurent Gbagbo, il avait évoqué la possibilité de la rencontre avec le président Bédié et le président Laurent Gbagbo.
Q : Cela fait quasiment un an…
AB : Oui. Mais, il faut retenir qu’il n’y a pas eu de rupture. Ils se parlent. Je donne pour exemple, notre présence à Daoukro la semaine dernière pour présenter nos condoléances au président Henri Konan Bédié. Nous avons été chargés par la famille Bédié et alliées de transmettre au Président Alassane Ouattara tous les remerciements et leur gratitude pour son apport et sa présence continue aux côtés du président Henri Konan Bédié lors du décès de son frère. C’est dire qu’une relation est entretenue entre les différents chefs. Maintenant, le calendrier politique relève de leurs différents agendas. Ceci étant, nous restons convaincus que le Président Alassane Ouattara qui a affiché sa volonté de rassembler les Ivoiriens autour de l’idéal de paix pour une stabilité et une croissance forte du pays, respectera naturellement ce que lui-même a indiqué en 2021 lorsqu’il recevait Gbagbo. C’est une question de calendrier.
Q : Il y a un projet de loi à l’Assemblée nationale qui pourrait peut-être les diviser. Il est porté par le député indépendant Tiémoko Antoine Assalé qui propose de rétablir à 75 ans la limitation de l’âge pour se présenter à l’élection présidentielle. Ce qui de facto éliminerait les trois géants. On sait qu’Alassane Ouattara y est favorable. Laurent Gbagbo est totalement contre. Où en est ce projet ?
AB : C’est une proposition. Nous n’avons pas encore établi la recevabilité de cette demande. Pour le moment, on ne peut pas parler de projet de loi. Ceci étant, de mon point de vue (c’est un point de vue personnel), je considère que la démocratie doit pouvoir s’exprimer sans qu’on soit obligé d’élaborer une Constitution personnalisée. Nous avons une Constitution qui permet à tout Ivoirien de 35 ans, sans limite d’âge, pour être candidat. Si les partis politiques considèrent que leurs présidents, nonobstant leur âge, sont capables de se présenter candidat, il faut s’en tenir à celle-ci.
Q : Etes-vous défavorable à l’introduction de la limite de l’âge ?
AB : Non. Je dis, restons coller à la Constitution. Pour l’heure, il n’y a pas eu de loi parlant de limitation d’âge. Moi, je reste collé à la Constitution.
Q : Pour vous, le moment n’est-il pas venu de laisser la place aux jeunes ?
AB : Est-ce que la qualité de diriger est liée à l’âge ou à la compétence ou à la vision ? Pour ma part, je considère que l’âge n’a pas impacté les visions du Président Alassane Ouattara pour la Côte d’Ivoire. On note que l’âge n’a pas entamé sa volonté d’offrir le bonheur au peuple de Côte d’Ivoire. Je ne veux pas inscrire l’âge comme étant un handicap à la capacité du Président Alassane Ouattara à continuer de donner le bonheur aux Ivoiriens.
Propos retranscrits par TL